Genèse 3, 1-24

Le péché originel dans la Genèse

Père André Marie Dubarle

Le péché originel dans l’Ecriture, p. 60s

 

Le récit de l’Eden donne à comprendre qu’une déchéance s’est produite au plan religieux lui-même, que les rapports entre le Créateur et l’homme sont altérés d’une manière héréditaire. Le premier effet de la désobéissance est que l’homme et la femme s’aperçoivent qu’ils sont nus et se cachent devant Dieu. Leur réaction se comprend, mais il est notable qu’elle soit celle qui est presque invariablement signalée dans la Bible comme l’accompagnement des manifestations divines. Même quand il s’agit de privilégiés, dont on ne relève pas de fautes particulières, pour lesquels la venue de Dieu procède d’une intention miséricordieuse, l’homme est saisi de crainte, il ressent douloureusement son impureté, il se défend de voir Dieu en se prosternant contre terre ou en s’enveloppant la tête. Rétrospectivement, il est rempli d’angoisse quand il prend conscience d’avoir été en contact avec Dieu sans le savoir.

Dans le récit de l’Eden, les gestes et les attitudes prêtés au premier couple sont ceux de toutes les générations successives, comme il est manifeste par la réflexion sur le mariage: C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seul chair. Les châtiments prononcés sur les coupables sont destinés à frapper toute leur descendance. L’auteur, dont les intentions représentatives et explicatives sont si nettes, n’a pas pu, en décrivant la fuite devant Dieu, oublier les réactions toutes semblables de n’importe qui mis en présence de Dieu ; il n’a pas pu ne pas vouloir rendre compte d’un fait par l’autre. Si l’humanité ressent actuellement la crainte d’approcher Dieu, si elle se sent impure et indigne de sa présence, ce n’est pas chose normale résultant d’une volonté de Dieu, c’est qu’une hérédité de péché nous prive de la confiance et de la familiarité qui étaient le lot de l’innocence originelle. Sans avoir nécessairement une responsabilité personnelle dans le péché, tout homme se trouve, par son origine, dans un état de gêne, de difficulté, de tension à l’égard de Celui qui, pour la foi d’Israël, est tout miséricorde.