Actes des Apôtres 13,44 – 14,7

« Je t’ai établi lumière des nations »

 

Dom Jacques Dupont

Nouvelles études sur les Actes des Apôtres, p. 343s 

On ne voit apparaître Paul, dans les débuts de son activité pastorale, que dans la communauté chrétienne ou dans les synagogues. Le conflit avec le magicien juif de Paphos et la conversion de Sergius Paulus, qui en fut la suite, ne permettent pas de parler déjà d’une évangélisation des païens. A Antioche de Pisidie, c’est encore à la synagogue que Paul fait entendre son message chrétien. L’hostilité des Juifs provoque le tournant décisif ; Paul le déclare : désormais, il annoncera la Parole de Dieu aux païens, et il justifie son initiative. Voilà donc que, cette fois, la première dans les Actes, Paul s’adresse aux païens : il a franchi le pas ! Le succès est tout de suite magnifique, mais il déclenche une persécution qui chasse les missionnaires. 

Cette histoire de l’évangélisation d’Antioche de Pisidie va se répéter, avec des variantes, aux différentes étapes des voyages de l’apôtre. Antioche de Pisidie constitue une sorte de prototype de la mission paulinienne.

Placé en tête de la carrière apostolique de Paul, cet épisode témoigne d’une parenté toute particulière avec l’épisode final, qui sert en même temps de conclusion finale de tout l’ouvrage. 

A Rome, comme à Antioche de Pisidie, Paul commence par consacrer deux séances d’évangélisation aux Juifs, et sa prédication se termine par un solennel avertissement, emprunté dans le premier cas à Habaquq, dans le second à Isaïe ; après quoi, il annonce sa décision de se tourner vers les Gentils. Ce parallélisme avec la finale du livre est un nouvel indice de l’importance du passage qui nous occupe.

Un autre parallèle, non moins significatif, se trouve dans l’épisode de l’inauguration du ministère de Jésus à Nazareth. Les deux récits suivent le même schéma : la prédication rencontre d’abord un accueil favorable, l’opposition vient ensuite. Cette opposition ne détermine évidemment pas Jésus à aller aux païens ; mais Jésus souligne le mauvais accueil qu’un prophète rencontre dans sa patrie, et il rappelle qu’Elie et Elisée ont accordé les bienfaits de Dieu à des étrangers. D’où persécution et départ. Il est difficile de penser que ces rapprochements sont purement fortuits. Nazareth et Antioche de Pisidie définissent un programme et éclairent la suite des événements : ceux du ministère de Jésus comme ceux de l’apostolat de Paul. La rupture de Jésus avec ses compatriotes fait déjà pressentir celle qu’on voit se produire à Antioche de Pisidie et qui va se renouveler et s’approfondir tout au long de la carrière missionnaire de l’apôtre.