Actes des Apôtres 19, 21-40

L’émeute des orfèvres d’Ephèse

Daniel Marguerat

Les Actes des Apôtres (13-28), p. 214s 

 

L’histoire des orfèvres d’Ephèse est rapportée par l’évangéliste Luc dans une perspective à la foi missionnaire, apologétique et éthique.

Une visée missionnaire. Le discours de Démétrios, avec son emphase sur la menace que la prédication de Paul fait reposer sur le culte d’Artémis, est à lire à double sens. Derrière la crainte exprimée, il fait état du succès de la prédication paulinienne et de sa performance dans la critique du paganisme gréco-romain. La nouvelle est considérable : le message évangélique est donc de taille à ébranler la vénération de la grande Artémis éphésienne ! Au temps de Luc, plus encore au temps de Paul, le culte éphésien jouissait d’une telle ferveur populaire qu’il avait fort peu à craindre des évangélistes chrétiens. Mais la révolte des orfèvres émet comme un présage : l’Evangile est capable de déstabiliser jusqu’aux cultes les plus célèbres de l’Empire romain. La grande déesse pourrait être éclipsée par un Dieu plus puissant qu’elle. 

Une visée apologétique. La leçon à tirer du discours du chancelier ne laisse pas de place au doute : ce n’est pas la prédication chrétienne qui est fautrice de troubles, mais la résistance qui lui est opposée. Les émeutiers, et non les témoins de Jésus, menacent l’ordre public. Alors que les chrétiens sont accusés d’être un groupe antisocial, car hostile aux dieux de la cité, c’est la foule qui se comporte comme une meute incontrôlable ; par contre, Paul et ses disciples se détournent des images païennes, mais ne blasphèment pas la déesse. La stratégie lucanienne défend l’intégration du christianisme à la société ambiante, plaide son innocuité politique, même si théologiquement la victoire de son Seigneur sur l’idole est prédite.

Une visée éthique. Luc est un auteur très sensible à la manipulation financière du religieux. La vénalité de Simon le Mage (8,1-24), les profits des maîtres de la jeune voyante de Philippes (16,16-19), l’énorme valeurs des traités magiques jetés au feu à Ephèse (19,18-19) signalent ce souci. Conscient que la crédulité populaire est exposée à une exploitation peu scrupuleuse, notre auteur tient à dénoncer ces profits. Ephèse concentre ce qui répugne à l’auteur des Actes. C’est pourquoi, faute de pouvoir montrer que le culte d’Artémis est déjà ébranlé par l’évangélisation chrétienne, il met en scène la déstabilisation de son produit dérivé, le business religieux. Le discrédit éthique fait partie de la critique du culte des idoles.