Matthieu 16, 13-19

De l’Evangile à l’Eglise

Père Edouard Pousset

Jésus-Christ et Simon-Pierre, Christus 35, 1988, p. 432s

 

Que trouve-t-on dans l’Evangile ? Des rapports d’hommes où se tisse l’histoire qui engendre l’identité respective de Jésus-Christ et de Simon-Pierre avec ses compagnons. Dans une telle histoire, on ne peut, ni ne doit distinguer les personnes individuelles et leur fonction et signification universelles. Car c’est la transformation même des individus par la force mystérieuse de ce qui, plus tard, sera désigné comme signification ou fonction, c’est cette transformation même qui fait l’étoffe de cette histoire. Quand elle est manifestée, cette force apparaît comme le fondement : le Christ, pierre d’angle ; Pierre, sur cette pierre je bâtirai mon Eglise.

Dans l’évangile, il s’agit de communication et de manifestation par des rapports d’hommes. Le principe en est simple, hors duquel rien ne se passe : déploiement intégral d’une parole qui opère ce qu’elle dit, en même temps que les actes indiquent ce qu’ils sont. Ce déploiement rend présente et identifiable la personne de quelqu’un qui n’est plus seulement le particulier bien connu : celui en qui et par qui se noue et se manifeste une telle unité de parole et d’actes. Il en va ainsi de Simon devenant Pierre ; mais de son côté à lui, c’est plus confus, faute d’une vérité aussi éclatante qu’en Jésus. Jésus est alors le seul à se rendre compte de ce que devient ce Simon marchant à sa suite : Tu es Pierre…, et bienheureux es-tu, Simon, fils de Jean, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé ces choses, mais mon Père. Pierre s’apercevra qu’il est Pierre : au reniement, à la résurrection, au Cénacle.

On ne  comprend pas encore cette histoire, à la manière du récit évangélique lui-même, quand on se saisit de ce bien connu : le Christ, Pierre, les fonctions à lui imparties, et qu’on le dépose sur les mots du texte. Le texte est la seule trace de Jésus-Christ et de Simon-Pierre dont nous disposons ; c’est cette trace qui seule peut nous mettre au contact de la manière de Jésus-Christ. En vertu de l’évangile, et il y a moyen de le comprendre par le récit, Jésus est le Christ, Simon est Pierre. Résultats solides, mais difficiles à consolider : On n’a jamais rien vu de pareil, dira la foule.

Tel est le récit d’évangile selon son principe. Et comme c’est là son principe, c’est donc aussi le fondement. Or le fondement est le même dans le devenir et dans le résultat. C’est donc aussi le fondement de l’Eglise : un tel rapport d’hommes, réglé par une telle vérité. Aller au fondement selon cette vérité, c’est trouver la vie fondamentale ; s’en prévaloir, sans cette vérité, c’est couler au fond. Simon, déjà,voulait marcher sur les eaux, et il n’avait pas tort. Mais il n’était pas encore vrai avec celui qui venait de lui dire : Viens. L’Eglise, en ses successives figures historiques, navigue sur cette alternative.