Néhémie 9, 22-37

La plainte dans l’Ancien Testament

Claus Westermann

Théologie de l’Ancien Testament, p. 216s

 

L’appel à Dieu dans la détresse accompagne l’histoire d’Israël dans toutes ses phases, à commencer par la plainte que suscite la servitude en Egypte, en passant par les plaintes du peuple et du médiateur lors de la marche au désert et à l’heure des combats : Les fils d’Israël gémissaient…, ainsi que sans cesse dans les périodes de détresse qu’à l’effondrement final des Etats d’Israël et de Juda, dans les chants des lamentations. Les livres d’Esdras et de Néhémie montre comment la plainte continuera de vivre dans les effondrements ultérieurs. A côté de la plainte du peuple, la plainte individuelle emprunte sa propre voie, que l’on peut suivre tout au long de l’Ancien Testament. Dans l’abondance des psaumes de lamentations, tout tourne autour de cet appel des profondeurs : Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur…

Mais pour évaluer l’importance de la plainte et la proportion des textes de lamentations dans l’Ancien Testament, il faut inclure les plaintes qui se trouvent dans certains textes en prose, ainsi que dans plusieurs paroles prophétiques. Conformément aux trois phases de la prière, trois phases sont à distinguer dans les plaintes, à savoir d’abord la plainte des premiers temps, puis la plainte poétique dans les psaumes, et enfin la plainte en prose du temps postexillique fort répandue dans les livres d’Esdras et de Néhémie. Ces trois phases sont discernables dans tous les écrits vétéro-testamentaires. Les plaintes des premiers temps nous sont transmises dans des textes narratifs en tant que composantes de l’événement raconté ou relaté, comme les plaintes de Caïn, d’Abraham, de Rébecca par exemple. Les plaintes poétiques ne se limitent pas qu’aux collections du Psautier et aux chants de lamentations. Au-delà, la plainte du peuple forme un motif important chez Isaïe, alors que la plainte individuelle constitue un motif fondamental du livre de Job.

Cet aperçu peut indiquer que la plainte est une partie essentielle de l’événement entre Dieu et l’homme. L’existence de l’homme n’est possible qu’à l’intérieur des limites de sa fragilité et de sa peccabilité. Les menaces résultant de ces limites sont donc partie intégrante de sa vie ; elles doivent et peuvent être exprimées dans des plaintes. Tout comme l’existence humaine comporte la possibilité pour l’homme de vider son cœur dans la plainte, l’existence de Dieu implique qu’il s’incline vers l’homme pour écouter son appel dans la détresse.