Néhémie 12, 27-47

L’édification de la Cité 

Dom Irénée Fransen

Bible et Vie Chrétienne, n° 51, p. 26s

 

Le livre de Néhémie nous restitue une tranche de vie de la communauté post-exillique, au moment où celle-ci, rentrée de Babylone et s’organisant à Jérusalem, entreprend une restauration des murs de la cité et une remise en vigueur des lois religieuses. Les descriptions grandioses du retour d’exil brossées par le second Isaïe enjolivent généreusement la réalité ; en fait, ce retour fut pénible, marqué de difficultés matérielles et spirituelles dont seul l’esprit de foi qui animait Esdras et Néhémie pouvait triompher. Plutôt que l’histoire suivie de cette restauration, l’écrivain sacré nous en compte quelques épisodes, mais ne cache ni ses aspects sordides, ni sa grandeur. 

Il est certain qu’on dut s’y reprendre à plusieurs fois pour mener à bien cette œuvre et le livre de Néhémie n’est pas le seul, d’ailleurs, à évoquer pareille entreprise : les prophètes Aggée et Zacharie, tout comme le second Isaïe et le livre d’Esdras plus spécialement, relatent des événements parallèles et mettent en scène le gouverneur Zorobabel et le grand prêtre Josué. Il est malaisé de débrouiller cet écheveau où chacun, utilisant pour sa part des documents d’archives, a emmêlé les brins. 

Néhémie travaille tout d’abord à la restauration des murs de Jérusalem ; il assure de la sorte l’indépendance de ses concitoyens, menacée par la jalousie et l’envie de voisins peu délicats ou de faux frères. Mais cette restauration n’a pas directement un but politique : elle n’est que la manifestation, l’expression de la restauration intérieure de la communauté. La grande fresque qui trace une rétrospective de l’histoire d’Israël et les prières qui jalonnent le livre montrent à quel point le souci religieux est primordial. 

La belle audace de Néhémie rappelle par endroits la confiance tranquille et primesautière d’un David à l’égard de Dieu ; mais les tristesses et les peines de l’exil donnent à sa foi maturité et ferveur. C’est dans le souvenir des catastrophes passées que Néhémie édifie la nouvelle cité et qu’il dresse autour d’elle, plus encore que des murs de pierre, les clôtures des lois religieuses. Ayant perdu son indépendance politique, Israël n’est plus désormais qu’une communauté de saints, régie par des clercs, enracinée sans doute dans une cité et dans une terre, mais jalouse avant tout de sa liberté religieuse. 

A ce titre, le livre et le personnage de Néhémie se rapprochent de nos préoccupations. La grande œuvre du service de chacun dans l’organisation de la communauté humaine, avec les renoncements, les initiatives et les générosités qu’elle suscite est la tâche qui s’impose à tous, même aux chrétiens d’aujourd’hui.