Luc 12, 13-21

Le riche aura des comptes à rendre

Saint Basile

Homélie 31, PdF 34, L’évangile de Luc commenté par les Pères,  p. 107s

 

Le mal dont souffre l’âme du riche insensé semble comparable à celui des goinfres qui préfèrent se faire éclater à force de gloutonnerie plutôt que de partager les restes avec ceux qui sont dans le besoin. Considère, frère, celui qui t’a comblé de ses largesses. Réfléchis un peu sur toi-même : Qui es-tu ? De quoi l’administration t’a-t-elle été confiée ? De qui as-tu reçu cette charge ? Pourquoi as-tu été choisi de préférence à bien d’autres ? Le Dieu de bonté a fait de toi son intendant ; tu es chargé de tes compagnons d’esclavage, ne va pas croire que tout est préparé pour ton seul estomac ! Les biens que tu as entre les mains, disposes-en comme s’ils appartenaient à d’autres. Le plaisir qu’ils te procurent dure peu, bientôt ils vont t’échapper et disparaître, mais il t’en sera demandé un compte rigoureux. Or, toi, tu gardes tout, portes et serrures verrouillées ; et bien que tu es scellé les ouvertures, l’anxiété t’empêche de dormir, tu prends des décisions contraires à ton propre intérêt, trouvant en toi-même un conseiller dénué de tout bon sens.

Que vais-je faire ? il y avait une réponse toute prête : Je comblerai les âmes des affamés, j’ouvrirai mes greniers et j’inviterai tous ceux qui sont dans le besoin. A l’exemple de Joseph, le fils de Jacob, dans une proclamation pleine d’humanité, je ferai entendre une parole généreuse : Vous tous qui manquez de pain, venez à moi, prenez votre part, chacun à sa suffisance, des dons accordés par Dieu qui coulent comme d’une fontaine publique.

Mais toi, tu es bien loin de lui ressembler ! Pour quelle raison ? En homme jaloux de voir les autres jouir de richesses, tu te livres à de misérables calculs, tu t’inquiètes de savoir, non pas comment distribuer à chacun l’indispensable, mais comment ramasser le tout et priver tous les autres de l’avantage qu’ils pouvaient en tirer. 

On était près de lui demander la vie, et lui, c’était de nourritures terrestres qu’il s’entretenait en lui-même ! Cette nuit même, on allait la lui enlever, et lui s’imaginait qu’il allait profiter de ses biens pendant des années encore. On lui a permis de calculer à loisir, et de manifester ses sentiments afin que la sentence soit bien celle que méritait le choix qu’il avait fait.

Prends garde, frère, de ne pas connaître le même sort de lui ! Car, si l’Ecriture nous offre cet exemple, c’est pour que nous évitions de nous comporter pareillement. Imite la terre : comme elle porte, des fruits et ne te montre pas plus mauvais qu’elle qui est pourtant dépourvue d’âme. Elle a nourri les récoltes non pour sa propre jouissance, mais pour te rendre service, à toi, et à tous ceux que tu peux aider par les nombreux bienfaits que la nature t’a donnés.