Job 38, 1-30 + 40, 1-5

Premier discours de Dieu

Père Maurice Gilbert

Les cinq livres des Sages, p. 103s

 

Dieu passe tout d’abord en revue le monde dans ses différentes composantes : la terre et la mer, la lumière et les ténèbres, y compris le shéol, les phénomènes atmosphériques, neige et grêle, pluie et glace, les constellations et la saison pluvieuse. Puis il décrit le comportement de dix animaux, la lionne et le corbeau, le bouquetin et la biche, l’onagre et le bison, l’autruche et le cheval, le faucon et l’aigle.

Il ne s’agit pas de simples descriptions, si poétiques soient-elles. Dieu décrit en fait avec malice ce qu’il n’arrête pas de faire depuis que le monde existe. A chaque fois, il interroge Job directement ou bien lui pose une question : Qui fait ceci ou cela ? Et Job devrait dire s’il s’agit de lui-même.

Dieu demande ainsi à Job quelle est l’étendue de son savoir. Pour souligner les limites de Job, Dieu indique que le savoir du contestataire doit impliquer sa capacité d’embrasser la totalité du temps jusqu’aux origines de la création, de même que la connaissance de l’ensemble de l’espace du monde jusque dans l’abîme et même aux portes du shéol. Plus encore le savoir de Job s’accompagne-t-il d’un pouvoir sur ce qu’il connaîtrait ? Est-ce lui qui règle l’ordre dans le cosmos, en enfermant la mer, souveraine du chaos primitif, par exemple ? Est-ce à son commandement que se lève l’aurore, en refoulant les ténèbres, cet autre signe du chaos  ? Est-ce lui qui fertilise le désert en y faisant pleuvoir ? Et les nuées lui obéissent-elles ? 

Manifestement Job devra répondre à cette première série de questions que seul le créateur dispose d’un tel savoir et d’un tel pouvoir.

A propos des animaux, Dieu ne mentionne que quelques-uns de ceux sur qui l’homme n’a aucune prise, hormis sur le cheval, mais ce n’est pas Job qui lui a donné cette bravoure insouciante du danger à la guerre. 

Tels sont les traits essentiels de la première réponse de Dieu. Job avait critiqué le comportement divin dans les affaires humaines et Dieu l’avait bien compris : Job était celui qui obscurcit son plan d’intervention dans la vie des hommes. Mais pour lui faire entendre raison, Dieu lui soumet une vaste fresque de toute la création où l’homme-Job n’a de place que pour se voir convaincu d’ignorance et d’incapacité. En fait de sagesse,  Dieu l’emporte définitivement. Ce recours à la création, ici sur base de listes de réalités appartenant aux mêmes domaines, le cosmos et une catégorie d’animaux, est typiquement sapientiel. En outre, ce procédé rentre parfaitement dans le cadre du procès : acculé à intervenir, Dieu renvoie la balle à Job : et toi, que sais-tu de mon œuvre immense, puissante, fantasque parfois, étonnante toujours ?