Luc 12, 32-48

« Heureux les serviteurs que le maître trouvera en train de veiller »

Saint John-Henry Newman

Sermons paroissiaux, Tome 4, Sermon 22, p. 282s

 

Nous ne devons pas seulement croire, mais veiller ; pas seulement aimer, mais veiller ; pas seulement obéir, mais veiller. Mais veiller pourquoi ? Pour ce grand événement, la venue du Christ. Mais qu’est-ce que le fait de veiller ? Je crois qu’on peut le définir à partir de ce qui suit : savez-vous ce que l’on ressent dans la vie courante lorsqu’on attend un ami, que l’on guette sa venue et qu’il tarde ? Savez-vous ce que c’est que d’être dans l’angoisse d’une chose qui peut ou non se produire, ou dans l’incertitude d’un événement important qui vous fait battre le cœur dès qu’on vous le rappelle, qui revient comme votre première pensée du matin ? Veiller dans l’attente du Christ est un sentiment analogue à ceux-là dans la mesure où les sentiments de ce monde peuvent nous donner une image de ceux de l’autre.

Il veille, dans l’attente du Christ, celui qui a un cœur sensible, ouvert et accueillant, qui est éveillé, prompt, intuitif, qui se tient aux aguets, ardent à le chercher et à l’honorer, qui l’attend dans tout ce qui arrive et qui ne serait ni surpris, ni décontenancé, ni bouleversé, s’il était mis tout à coup devant le fait soudain de sa venue.

Et il veille avec le Christ celui qui, en regardant vers l’avenir, ne néglige pas le passé et ne se borne pas à contempler ce que son Sauveur lui a acquis au point d’oublier ce qu’il a souffert pour lui. Il veille avec le Christ celui qui fait mémoire de la croix et de l’agonie du Christ et les revit en sa propre personne, celui qui prend sur lui, avec joie, ce manteau d’affliction que le Christ a porté ici-bas et a laissé derrière lui quand il est monté au ciel. C’est pourquoi dans leurs lettres, les écrivains inspirés expriment aussi souvent leur désir de son deuxième avènement, qu’ils expriment leur souvenir de sa première venue et qu’ils ne perdent jamais de vue son crucifiement en célébrant sa résurrection. La pensée de ce qu’est le Christ maintenant ne doit pas effacer de l’esprit la pensée de ce qu’il a été ; la foi ne cesse de s’affliger avec lui en même temps qu’elle se réjouit avec lui. La même union de pensées opposées est imprimée en nous dans la sainte communion où nous voyons réunis en un même temps la mort et la résurrection du Christ ; nous faisons mémoire de l’une et nous nous réjouissons de l’autre, nous faisons une offrande et nous obtenons une bénédiction. C’est donc cela, veiller : être détaché du présent et vivre dans l’invisible ; vivre dans la pensée du Christ tel qu’il est venu une fois et qu’il reviendra de nouveau ; désirer son second avènement en se rappelant le premier avec amour et reconnaissance.