Luc 15, 1-32
Le sens de la parabole
Saint Cyrille d’Alexandrie
Le fils prodigue, PdF 34, p. 129s

Examinons avec soin, frères, le motif pour lequel cette parabole a été racontée, ainsi nous connaîtrons mieux son sens. L’évangéliste Luc dit : Les publicains et les scribes murmuraient : cet homme-là fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! Puisque les scribes et les pharisiens vitupéraient contre la mansuétude et l’amour des hommes qui appartenaient à sa nature, qui lui reprochaient de faire bon accueil à des gens dont la vie était souillée, c’est à eux, nécessairement, que le Christ a fait l’application de la parabole qu’il leur proposait.
Grâce à cette parabole, ce que veut Dieu, lequel est Dieu de tous, c’est que l’homme qui ne s’est jamais éloigné de lui, qui reste fidèle, qui sait mener une vie honorable, qui s’est acquis la réputation d’une honnêteté parfaite, s’applique à suivre pour sa part la volonté du Père. Et quand les pécheurs ont été appelés à faire pénitence, même s’ils étaient de ceux qui méritaient les plus fortes condamnations, il s’en réjouit, plutôt que d’entretenir contre eux une hostilité chagrine.
En effet, il nous arrive, à nous aussi, de faire une expérience analogue. Certains mènent une vie très belle, parfaite à tous égards ; un autre, lui, est sans force, vaincu pour s’être abandonné à toutes sortes de dérèglements. Au temps de la vieillesse, souvent, il se tourne vers Dieu et demande le pardon pour les fautes commises dans le passé, épris qu’il est maintenant de choses meilleures. Il se peut que sur le point de quitter la vie humaine, il soit jugé digne du divin baptême et lavé des motifs d’accusation, Dieu ayant pitié de lui. Il y a, alors, des gens pour s’en irriter et dire : Cet individu a fait ceci, il a dit cela, il n’a pas été obligé de s’acquitter complètement auprès du juge des peines qui lui valaient les actes commis au cours de sa vie ; on l’a trouvé digne d’une grâce aussi magnifique, aussi précieuse ! Il est enrôlé parmi les fils de Dieu et honoré de la gloire des saints ! Voilà ce que crachent parfois certaines gens, par une petitesse d’âme malencontreuse, sans se conformer à la volonté du Père de tous. Car il éprouve, lui, une grande joie lorsqu’il voit sauvés ceux qui étaient perdus ; il les rétablit dans leur dignité primitive, en leur donnant la liberté ; il les pare de la robe première et passe un anneau à leur doigt. Voilà la parure qui convient à des hommes libres et qui est agréable à Dieu.