Judith 8, 1a + 9-36

Le dilemme de Judith

Guy Labouérie

Dieu de violence ou Dieu de tendresse, p. 109s

 

Judith remet la violence à sa vraie place : cette violence est d’autant moins l’initiative ou la vengeance du Seigneur que, depuis longtemps et à l’inverse de bien d’autres périodes, il est précisé qu’Israël est fidèle à son Dieu. Pourtant la violence est là. Aussi faut-il faire quelque chose. Admirons, au passage, que ce soit cette femme, et elle seule à l’encontre des chefs de Béthulie qui soit capable de mesurer les véritables conséquences militaires et spirituelles d’une défaite. Elle est seule à voir que la perte de Béthulie entrainerait, de par sa position, l’envahissement de toute la Judée et par suite l’asservissement d’Israël et la profanation du Seigneur. Elle affirme en même temps, solennellement, que cette violence, même la plus désespérée, même la plus fondamentale, ne doit pas être vécue comme test des intentions de Dieu et elle s’élève contre le serment des chefs de Béthulie qui lui donne cinq jours pour les sortir d’affaire, faute de quoi ils se livreront à Holopherne. Elle estime que ce serment est une injure envers Dieu que l’on n’a pas le droit de tenter : On ne met pas Dieu au pied du mur comme un homme, on ne lui fait pas de sommations comme à un fils d’homme. 

Aussi faut-il se servir de l’occasion de la violence, d’une part, pour y répondre de la façon la plus cohérente avec la foi et l’espérance que l’on a de son Dieu, et, d’autre part, pour la vivre par la prière comme une épreuve permettant de pénétrer plus avant dans les desseins du Seigneur.

Judith reprend cela dans sa prière qui n’est pas limitée aux seuls versets du chapitre 9, mais comprend également toute l’action proprement dite qu’elle vit comme telle, son action de grâces et l’ensemble de sa vie jusqu’à sa mort. S’arrêter au seul chapitre 9 tronquerait complètement sa vie qui est vie de prière depuis toujours, et rendrait effectivement incompréhensible sa démarche. Servante du Seigneur, capable de la plus grande fidélité, Judith voit sa vie complètement bouleversée par l’intrusion de la violence, non pas tant sa vie matérielle, car pour le moment rien ne s’est passé hormis le siège, que sa vie spirituelle, l’animatrice de tout le reste, au point le plus sensible à celle qui croit profondément en Dieu-Amour : a-t-on le droit de tuer ? Faut-il tuer ? Tout lui répond par la négative, et c’est pourtant ce qu’elle envisage, mais cela lui paraît tellement grave que c’est vers Dieu qu’elle se retourne. Elle ne demande pas à Dieu de la justifier, mais, au nom de l’éternité de ses jugements, de lui donner la force d’aller jusqu’au bout de cet acte contre nature et de lui pardonner.