Judith 13,4 – 14,3

« Dieu fait miséricorde à qui Il veut faire miséricorde »

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

Dans Claude Langlois, Thérèse de Lisieux et la miséricorde, p. 84s

 

Jésus n’appelle pas ceux qui en sont dignes, mais ceux qu’Il lui plait ou comme le dit saint Paul : Dieu a pitié de qui Il veut et Il fait miséricorde à qui il veut faire miséricorde. Ce n’est donc pas l’ouvrage de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. Longtemps je me suis demandé pourquoi le bon Dieu avait ses préférences, pourquoi toutes les âmes ne recevaient pas un égal degré de grâces, je m’étonnais en Le voyant prodiguer des faveurs extraordinaires aux Saints qui l’avaient offensé, comme saint Paul, saint Augustin et qu’Il forçait pour ainsi dire à recevoir ses grâces, ou bien en lisant le vie des saints que Notre Seigneur s’est plu à caresser du berceau à la tombe, sans laisser sur leur passage aucun obstacle qui les empêchât de s’élever vers Lui et prévenant ces âmes de telles faveurs qu’elles ne pouvaient ternir l’éclat immaculé de leur robe baptismale, je me demandais pourquoi les pauvres sauvages, par exemple, mouraient en grand nombre avant d’avoir même entendu prononcer le nom de Dieu.

Jésus a daigné m’instruire de ce mystère. Il a mis devant mes yeux le livre de la nature et j’ai compris que toutes les fleurs qu’il a créées sont belles, que l’éclat de la rose et la blancheur du lys n’enlèvent pas le parfum de la petite violette ou la simplicité ravissante de la pâquerette.

J’ai compris que si toutes les petites fleurs voulaient être des roses, la nature perdrait sa parure printanière, les champs ne seraient plus émaillés de fleurettes.

Ainsi en est-il du monde des âmes qui est le jardin de Jésus. Il a voulu créer les grands saints qui peuvent être comparés aux lys et aux roses, mais il en a créé aussi de plus petits et ceux-ci doivent se contenter d’être des pâquerettes ou des violettes destinées à réjouir les regards du bon Dieu lorsqu’Il les abaisse à ses pieds. La perfection consiste à faire sa volonté, à être ce qu’Il veut que nous soyons.

J’ai compris encore que l’amour de Notre Seigneur se révèle aussi bien dans l’âme la plus simple qui ne résiste en rien à sa grâce que dans l’âme la plus sublime, le propre de l’amour étant de s’abaisser ; si toutes les âmes ressemblaient à celles des saints docteurs qui ont illuminé l’Eglise par la clarté de leur doctrine, il semble que le bon Dieu ne descendrait pas assez bas en venant jusqu’à leur cœur. Mais il a créé l’enfant qui ne sait rien et ne fait entendre que de simples cris. Il a créé le pauvre sauvage n’ayant, pour se conduire, que la loi naturelle, et c’est jusqu’à leurs cœurs qu’Il daigne s’abaisser : ce sont là ses fleurs des champs dont la simplicité le ravit.