Judith 12,1 – 13,3

Vivre au milieu des textes…

Saint Jérôme

Dans Claude Ollivier, Jérôme, Lettre 53, p. 105s

 

Combien, aujourd’hui, qui pensent être vraiment lettrés, ont en main un livre scellé et ne peuvent pas l’ouvrir, à moins que ne l’ai décacheté Celui qui possède la clef de David et qui ouvre, après quoi nul ne ferme, qui ferme, après quoi nul n’ouvre.

Dans les Actes des Apôtres, le saint eunuque éthiopien, ou plutôt l’homme, car c’est ainsi que l’appelle l’Ecriture, tandis qu’i lisait le prophète Isaïe sur son char, fut interrogé par l’apôtre Philippe : Crois-tu comprendre ce que tu lis ? L’homme répondit : Comment le pourrais-je, à moins que quelqu’un ne m’instruise ? Il tenait en main le livre. Il concentrait son attention sur les paroles du Seigneur, sa langue les articulait, ses lèvres les prononçaient, il ignorait pourtant Celui qu’à son insu il vénérait dans ce livre. Arrive Philippe. Il lui montre Jésus qui était emprisonnait et caché sous les lettres, et, sur l’heure, il croit. Il est baptisé, il est fidèle et saint.

J’ai résumé tout cela brièvement pour que tu comprennes que tu ne peux aborder le domaine des Saintes Ecritures sans un guide qui te montre le chemin. Je te le demande, frère très cher, vivre au milieu de ces textes, les méditer, ne rien connaître, ne rien chercher d’autre, ne crois-tu pas que c’est déjà, dès ici-bas, habiter le Royaume des Cieux ?

Ne sois pas choqué, je t’en prie, dans les Saintes Ecritures, par la simplicité, la presque vulgarité du langage. Soit par la faute des traducteurs, soit même à dessein, elles se présentent de telle sorte qu’elles puissent assez aisément instruire un auditoire populaire, mais de façon que, dans une seule et même phrase, le savant et l’ignorant découvrent des sens différents. Je ne suis pas léger, stupide au point de me flatter de connaître tout cela, et de prétendre cueillir sur terre des fruits de ces arbres dont les racines sont plantées au ciel ! Mais j’avoue le désirer. J’ai la prétention de m’y efforcer. Je refuse d’être ton maître, et je m’engage à être ton compagnon. A qui demande, on donne. A qui frappe, on ouvre. Qui cherche, trouve. Etudions donc sur terre ce dont la science persévérera pour notre bonheur dans le ciel.