Daniel 2, 1+25-47

« Une pierre se détacha et vint frapper la statue »

Père Jean Steinmann

Daniel, p. 59s

 

          Nabuchodonosor roi est l’homme dans toute sa grandeur quasi divine. Il est le chef d’or de l’humanité et l’on a l’impression que, si la statue de son rêve eût été faite toute entière d’or pur, Dieu ne l’aurait pas abattue. La pierre qui vient en pulvériser la base est le châtiment de la dégénérescence de l’homme.

          Car l’apparition de la pierre marque un prodigieux hiatus dans la durée des royaumes humains. C’est l’intervention d’une force essentiellement différente de celles qui faisaient se succéder l’or, l’argent, le bronze, le fer et l’argile dans la composition de la statue. Une puissance transcendante brise l’hégémonie des royaumes terrestres. Son intervention se fait en trois temps : la pierre apparaît se détachant de la montagne, puis la pierre vient briser la statue en l’attaquant à la base, enfin la pierre s’accroît jusqu’à devenir une montagne éternelle.

          Cette pierre, qui apparaît, c’est un royaume, mais tout royaume est représenté par son roi. Le roi ici est le Messie. C’est dans le prophète Isaïe que l’auteur de Daniel a dû trouver l’image de la pierre, avec un sens messianique : Oui, ainsi m’a parlé le Seigneur Dieu des armées : Me voici en train de poser à Sion une pierre-témoin, une pierre angulaire, précieuse, fondamentale : Celui-qui-croit-ne-tombera-pas. Et je me servirai du droit pour mesurer et de la justice pour niveler.

          A cause du dernier vers, on pouvait facilement interpréter l’oracle comme relatif, non à une pierre angulaire, mais à une pierre de lapidation. Or le supplice des blasphémateurs était la lapidation. Ainsi Dieu lui-même, par la main du Messie, roc du salut, lapide la statue que les hommes ont dressée contre lui.

          Victorieuse, la pierre se transforme en montagne. Plutôt qu’à la colline de Sion, il semble que l’auteur de Daniel ait pensé à la montagne du Sinaï, sur laquelle Dieu s’entretenait avec les hommes. Il enseignait par là que le nouveau règne ne serait pas un royaume juif, humain et politique, mais une nouvelle alliance sinaïtique, un règne de Dieu exercé directement, un épanouissement de la révélation qui est à l’origine de la Torah : ce nouveau royaume de la Montagne réunira tous les hommes de tous les pays et de toutes les langues.