Ruth  1, 1-22

Qu’est-ce qu’un homme libre ?

Saint Ambroise

Extraits de Lettres diverses, Maurice Jourjon, p. 60s

 

           Ce n’est pas la nature d’un esclave qui fait l’esclave, c’est le manque de sagesse. Ce n’est pas l’affranchissement qui rend libre, c’est la loi morale. Vous trouverez bien des hommes qui, ayant acquis des jeunes filles esclaves aux formes élégantes, se donnent en esclavage à leurs esclaves en tombant amoureux d’elles. On voyait Apenne, la maîtresse du roi Darius, lui ôter son diadème, s’en coiffer, et souffleter le souverain ; lui, la regardait bouche bée, tout à la joie de la voir sourire.

          Est libre celui qui l’est au-dedans de lui-même. Cette liberté ne nous est pas donnée par les suffrages d’autrui, mais elle est acquise et possédée par notre courage. Le sage est toujours libre. L’homme juste est à lui-même sa loi.

          Le sage est libre parce qu’il a choisi le bien. Maître de son choix et de son action, il est libre puisqu’il fait ce qu’il veut. Celui à qui on ne peut ni imposer de loi, ni faire de défense n’est jamais esclave. Or le sage pratique la vertu, non par contrainte, mais par sa propre volonté.

          La liberté est dans l’évangile : tout homme qui reçoit Jésus-Christ est sage. Le sage est libre. Cependant saint Paul m’a appris qu’il existe quelque chose au-delà de la liberté : servir est une liberté. Jésus-Christ s’est fait serviteur pour rendre libres tous les hommes.

          Cherchons donc un homme véritablement libre. Je ne vous cite point ici les livres des philosophes sur le mépris de la mort. Ce sont de belles paroles, mais ce n’est que paroles. Beau courage, mais de gens virils ; nobles déclarations, mais de sages par profession. Chez nous, même les jeunes filles se sont élevées de l’attirance de la mort jusqu’au Ciel ! … Oh ! Que la liberté de la virginité religieuse est grande !

          Peut-on lire ces dernières lignes sans penser à bien des martyrs ! En une seule phrase, saint Ambroise a su, ailleurs, à propos de sainte Agnès évoquer l’ultime démarche libre d’une jeune chrétienne vers la hache du bourreau : Elle se tint debout, pria, courba la tête.