Matthieu 5, 1-12a

L’enseignement de la montagne

Saint Grégoire de Nysse

Les Béatitudes, PdF 10, p. 27s

 

          Les réalités et les dimensions de ce qui se découvre de la hauteur, Dieu le Verbe lui-même les expose en appelant heureux ceux qui ont fait l’ascension avec lui ; il montre en quelque sorte du doigt, d’un côté le Royaume des cieux, de l’autre l’héritage de la nouvelle terre, puis la miséricorde, la justice, la consolation, la parenté de toute la création avec Dieu, le fruit des persécutions, qui nous unit au mystère divin : tout ce que la main du Verbe nous fait découvrir, depuis la cime, quand de ce lieu on regarde avec espérance.

            Lorsque le Seigneur gravit la montagne, écoutons Isaïe s’écrier : Venez, gravissons la montagne du Seigneur. Si nous sommes accablés par le péché, fortifions nos mains défaillantes comme nous y exhorte le prophète, et affermissons les genoux vacillants.

            Quand nous aurons atteint le sommet, nous rencontrerons celui qui guérit toute maladie et toute infirmité, qui a pris sur lui nos faiblesses, qui s’est chargé de nos souffrances. Hâtons-nous de nous mettre en route, pour atteindre avec Isaïe le sommet de l’espérance et percevoir à la ronde les richesses que le Verbe dévoile à ceux qui l’ont suivi sur la hauteur. Que Dieu le Verbe ouvre notre bouche et notre cœur et nous apprenne ce qu’il entend par Béatitude.

            Il nous faut considérer la Béatitude comme telle et chercher à savoir en quoi elle consiste. La Béatitude, à mon avis, est une synthèse de tout ce que l’on comprend sous le nom de bien dont rien de ce qu’on peut désirer ne fait défaut.

            L’analyse de son contraire peut également nous fournir une définition de la Béatitude. La misère est le contraire de l’état heureux. Le malheur est le sort des maux qui fondent sur nous et nous affligent contre notre gré. De part et d’autre ce qui arrive contraste et s’oppose. Celui qui est dit heureux peut se réjouir et se complaire en ce qui lui est offert. Celui qui est dit malheureux ne peut que se plaindre et gémir de ce qui lui arrive. Seule la divinité peut être vraiment déclarée bienheureuse.

            Quoi qu’il en soit, la Béatitude comprend une vie sans tache, le bien ineffable et insaisissable, la beauté indescriptible, la source de la grâce, la sagesse et la puissance, la véritable lumière, la fontaine de tout bien, la force qui maîtrise tout, ce qui mérite d’être aimé sans jamais se dégrader, une joie toujours effervescente, une jubilation ininterrompue dont on ne peut tout dire, mais sans rapport avec le mérite. L’intelligence n’en saisit pas la réalité et même si nous en avons une perception plus haute, rien ne peut l’exprimer.