Romains 11, 1-12

L’humilité pour saint Bernard

Dom André-Corneille Halflants

La doctrine Spirituelle de saint Bernard, Collectanea Cisterc., 37, p. 247s

 

               L’humilité est l’inséparable compagne de la charité. En elle, consiste toute l’ascèse de saint Bernard. Par elle, il faut se dégager du proprium, de la cupiditas, cet égoïsme, cet amour charnel par lequel l’homme avant tout s’aime lui-même pour lui-même. L’humilité conduira cet amour jusqu’à la charité. Elle est le fondement stable sans lequel tout l’édifice spirituel s’écroule. Elle est bonne la voie de l’humilité, elle cherche la vérité et trouve la charité. La perfection de l’humilité est la connaissance de la vérité. Et la vérité une fois révélée donne la charité. Et si, par malheur et faiblesse, nous blessons parfois la charité, le seul remède efficace est encore l’humilité : l’humilité est la seul vertu qui guérit la charité blessée.

          Le chemin qui conduit à l’humilité est l’humiliation. Quiconque ne peut supporter celle-ci n’atteindra jamais l’humilité. Celui qui s’humilie comprend les voies spirituelles et il ne lui est pas difficile, s’il est de bonne volonté, de supporter les humiliations libératrices de la volonté propre. D’autant plus que l’humble considère comme spontanément les autres supérieurs à soi en vertus.

          L’humilité prend sa source dans la connaissance de soi. Face à sa misère, il faut crier humblement au secours vers le Seigneur. Sa lumière de vérité nous fait alors voir et admettre notre profonde et réelle misère. Il suffit que l’homme se considère en situation de pauvreté, de nécessité, et qu’il appelle humblement Dieu à son secours, pour qu’il s’expérimente exaucé.

          Et cependant cette humilité qui naît de la connaissance de soi n’est pas la plus profonde. L’humilité la plus haute  est tout imprégnée du saint amour. Il y a une humilité qu’engendre en nous la vérité, mais elle est sans chaleur. Il y en a une autre toute embrasée de charité. L’âme qui la possède est heureuse de se voir misérable et désire que les autres connaissent sa bassesse. A la première humilité, nous sommes acculés par la dénonciation de la vérité, nous consentons spontanément à la seconde avec l’aide de la charité. L’une est un acte imposé, l’autre un acte volontaire. Une telle humilité est sans doute nécessaire pour pouvoir joyeusement se soumettre non seulement à Dieu, à son Abbé et aux officiers, mais encore à ses égaux, et même à ses inférieurs, aux plus jeunes. C’est cette humilité-là qui plaît à Dieu sans réserve.