Matthieu 6, 1-6 + 16-18

Le jeûne véritable

Saint Nicolas de Jitcha

Prières sur le lac, p. 100s

 

          Par mon jeûne, je réjouis mon espoir en Toi, ô mon Seigneur. Le jeûne accélère mon apprêt pour Ton arrivée, la seule attente de mes jours et de mes nuits. Le jeûne affine mon corps, afin que ce qui en reste soit plus facilement illuminé par l’Esprit.

            Dans l’attente de Toi, me priver de nourriture ne me sauvera pas. Quand bien même je me nourrirais du sable du lac, Tu ne viendrais pas si mon jeûne ne pénétrait plus profondément dans mon âme. A travers ma prière, j’ai appris que le jeûne de la chair est surtout un symbole du jeûne véritable, très utile pour un débutant qui espère en Toi, mais très lourd aussi pour celui qui ne s’en tient qu’à lui. C’est pourquoi, j’ai introduit le jeûne dans mon âme, pour la purifier des nombreux amants insolents et l’apprêter pour Toi. J’ai aussi introduit le jeûne dans mon esprit, pour y chasser toutes rêveries sur les choses du monde et détruire toutes les tours imaginaires bâties avec ces rêveries, pour que mon esprit soit vidé du monde et apprêté pour recevoir Ta Sagesse. J’ai introduit dans mon cœur le jeûne pour détruire avec lui toute passion et toute partialité du monde, pour que la paix céleste domine de manière imperceptible mon cœur quand Ton Esprit puissant viendra. J’ai mis le jeûne sur ma langue pour qu’elle se déshabitue des histoires inutiles et n’exprime, avec parcimonie, que les mots qui débroussaillent le chemin de Ton avènement. J’ai imposé le jeûne à mes soucis, pour les chasser tous devant moi comme le vent souffle le brouillard, pour qu’ils ne demeurent pas telle une brume opaque entre moi et Toi, et ne ramènent pas mes regards vers le monde.

            Et le jeûne a introduit dans mon âme la sérénité face aux mondes créés et non créés, et la docilité envers les hommes et les choses. Il a versé en moi le courage que j’ignorais lorsque j’étais armé de toutes les armes du monde. Qu’était-il mon espoir, sans jeûne, sinon une histoire d’autrui qui va de bouche en bouche jusqu’à ce qu’il vienne sur la mienne aussi ? Par le jeûne et la prière, une histoire d’autrui sur le salut devient aussi ta propre histoire. Un jeûne mensonger accompagne un espoir mensonger, comme un jeûne quelconque accompagne le désespoir, et comme la route suit la roue, ainsi le jeûne véritable suit l’espoir véritable.

            Aide-moi, Seigneur, à jeûner avec joie et à espérer avec joie ma Fête la plus joyeuse, qui, avec un sourire solaire, s’approche de moi !