2° mardi du temps ordinaire

Sur Genèse 12, 1-9
Le sens de l’appel d’Abraham
Jean Daniélou
Le mystère de l’Avent, chapitre 1, p. 29s

L’Ancien Testament est l’histoire de l’éducation religieuse de l’humanité par Dieu, de façon à la rendre capable de recevoir les biens divins qu’il lui destine. Avant de venir dans la chair pour accomplir pleinement le mystère du salut du monde, le Verbe de Dieu lui-même a commencé par préparer ce dont nous avons le prélude dans le choix que Dieu a fait d’Abraham et de sa descendance pour leur communiquer déjà les secrets du mystère du Christ, d’une manière encore obscure et cachée, mais très réelle pourtant. Et ceci de manière à habituer peu à peu une humanité grossière et rudimentaire, adonnée au culte des idoles, à s’élever, à comprendre et à deviner qu’elles allaient être les réalités que le Christ apporterait. Lorsque le Christ apparaîtrait et que son mystère serait révélé, l’humanité serait capable de le comprendre.
La migration d’Abraham de Chaldée en Canaan est donc un événement d’une nature presque unique, qui n’a d’égal dans la totalité de l’histoire que la création du monde et l’incarnation du Christ. Il est en effet le commencement absolu de l’action de Dieu dans l’histoire, comme la création est le commencement de son action dans le cosmos, et l’incarnation le commencement du monde futur. Il inaugure l’Histoire Sainte. Il est la première manifestation de l’action historique du Dieu vivant. C’est donc un ordre de réalité nouveau qui apparaît avec lui, et qui va remplir dix-neuf siècles. C’est là ce qui donne à ce départ d’Abraham son caractère unique.
Cet événement comprend plusieurs aspects. Il est d’abord un ordre de départ, une séparation. Jusque-là, en effet, Abraham semble avoir partagé les croyances idolâtriques de son peuple. Le départ d’Abraham, c’est donc la rupture avec les idoles et le commencement du culte du Dieu véritable. Pour toute la tradition judéo-chrétienne, Abraham est le modèle et le principe de la conversion au Dieu vivant par le commencement absolu de la foi.
En même temps qu’un ordre de départ, qu’une rupture avec le passé, l’élection d’Abraham est une promesse, l’annonce d’un avenir. Par-là, apparaît aussi dès l’abord le caractère de la religion nouvelle. La religion cosmique reconnaissait le divin dans la régularité du cours des astres et des saisons que Dieu avait garantie par l’Alliance noachique : c’était une religion de la nature. Au contraire, la religion biblique sera l’attente d’événements historiques à venir : Oui, je te bénirai et je te multiplierai.