Sur Jean 12, 24-26
Celui qui aime sa vie la perd
Saint Augustin
Traités de l’évangile de saint Jean, traité LI, p. 152s

Celui qui aime sa vie la perd. On peut entendre ces paroles de deux manières : la première, si vous aimez votre vie, n’hésitez pas à la perdre, en effet si vous désirez obtenir la vie qui est en Jésus Christ, ne craignez pas de souffrir la mort qui est en Jésus Christ ; la seconde, n’aimez point votre vie de peur de la perdre, n’aimez point votre vie en cette vie pour ne point la perdre dans la vie éternelle. Cette dernière interprétation est plus conforme à l’ensemble du texte évangélique où nous lisons ensuite : Celui qui cesse de s’y attacher en ce monde la gardera pour la vie éternelle. Voici donc le sens de cette phrase : Celui qui aime sa vie, sous-entendez « en ce monde », la perd ; et celui qui la hait en ce monde également, la conserve pour la vie éternelle. Grande et admirable vérité qu’il y ait dans l’homme un amour pour sa vie et qui la perd, et une haine qui la sauve ! Votre amour pour elle est-il déréglé, c’est de la haine ; votre haine est-elle sage, c’est de l’amour ! Heureux ceux qui haïssent leur vie en la conservant, pour ne point s’exposer à la perdre en l’aimant !
Si quelqu’un veut être mon serviteur, qu’il me suive. Qu’est-ce à dire : Qu’il me suive ? Qu’il m’imite. Car Jésus Christ, dit saint Pierre (2,21), a souffert pour nous, nous laissant un grand exemple afin de marcher sur ses traces. Voici donc la proposition du Sauveur : Si quelqu’un veut être mon serviteur, qu’il me suive. Quel en sera le fruit ? Quelle en sera la récompense ? Quel en sera le prix ? Là où je suis, là sera mon serviteur. Il faut l’aimer d’un amour désintéressé afin que la récompense du dévouement à son service soit d’être avec lui. Il s’explique encore plus clairement : Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. Quel sera cet honneur, si ce n’est d’être avec son Fils ? En effet, ces paroles qui précèdent : Là où je suis, là sera aussi mon serviteur, trouvent leur accomplissement dans celles qui suivent : Mon Père l’honorera. Car quel plus grand honneur peut recevoir le fils adoptif, que d’être là où est le Fils unique, non point comme l’égal de sa divinité, mais comme associé à son éternité ?