Sur Exode 12, 21-36
Sur les dix plaies d’Egypte et les dix commandements de Dieu

Saint Augustin
Œuvres Complètes, tome 19, Sermon 21, p. 535s

Ce n’est pas sans raison que le nombre des commandements contenus dans la Loi de Dieu, le Décalogue, égale le nombre des plaies dont l’Egypte a été frappé. Car de même qu’il y a, dans la Loi, dix commandements qui rappellent le peuple au culte de Dieu, de même nous lisons que les dix plaies abattirent l’orgueil des Egyptiens. Voyons donc pourquoi on nous parle, d’une part de dix commandements, et d’autre part de dix plaies. C’est à n’en pas douter que les unes étaient des blessures, les autres des remèdes à ces blessures, et qu’il fallait qu’aux blessures si dangereuses de ces dix plaies fussent opposés les dix remèdes des commandements. Ne croyez pas que ce rapport entre les commandements et les plaies soient sans importance, car, si avec l’aide de Dieu, vous voulez réfléchir attentivement, vous pourrez reconnaître que les dix commandements sont opposés, un à un et selon leur rang d’ordre, aux dix plaies. En effet, le premier commandement guérit la première plaie, le second la seconde, le troisième la troisième, et ainsi de suite jusqu’au dixième.
Prenons le dixième commandement, vous pourrez ainsi appliquer la méthode aux neuf autres. Tu ne convoiteras pas le bien d’autrui. La dixième plaie qui est opposée à ce commandement fut la mort des premiers-nés. Tous les biens qu’ils possèdent, les hommes les conservent pour leurs héritiers, et, parmi leurs héritiers, les privilégiés sont les premiers-nés. Quels sont les premiers-nés de votre cœur ? Les premiers-nés de notre cœur, n’est-ce pas la foi, car personne ne fait le bien si la foi n’est pas d’abord dans son cœur. Toutes les bonnes œuvres sont tes enfants spirituels ; mais l’aîné de tous ces enfants, c’est la foi.
Ce rapprochement et cette sorte d’opposition que nous avons essayé d’établir entre les dix commandements et les dix plaies doivent nous engager à mettre nos biens en sûreté, sous la garde de la Loi de Dieu, je dis nos biens intérieurs, ceux qui sont enfermés dans le coffre de notre conscience. Voilà notre trésor. Les vraies richesses sont : la bonne conscience, la justice, la miséricorde, la chasteté, la sobriété. Celui qui est pourvu de ces biens sera riche, lors même qu’il aurait tout perdu dans un naufrage par exemple. De plus si vous suivez bien mes conseils, si avec l’aide de Dieu vous voulez éviter le mal et faire le bien, vous serez le peuple de Dieu, vous serez délivrés de la société mauvaise des Egyptiens, je veux dire des poursuites des esprits méchants, et vous pourrez arriver heureusement à la terre promise.