Sur Nombres 12,16 – 13,3 . 17-33
La terre de la promesse
Saint Jérôme
Lettres, tome VII, Lettre 129 à Dardanus, p. 154s

Tu demandes, cher Dardanus, quelle est cette Terre promise dont les Israélites ont pris possession à leur retour d’Egypte, alors que leurs ancêtres l’avaient possédée auparavant. Cette Terre ne leur était donc pas promise, c’était une Terre rendue ! Il nous faut alors chercher quelle est cette Terre promise ; n’est-ce pas cette Terre dont parle David : Je verrai la bonté du Seigneur sur la terre des vivants, n’est-ce pas cette Terre dont le Seigneur dit dans l’Evangile : Heureux les doux, ils possèderont la Terre.
Quand David chantait, il se trouvait bien dans la Terre promise, au pays de Juda. Ce pays, n’était-il pas celui d’Abraham, d’Isaac, de Jacob ? Qu’a donc David devant les yeux lorsqu’il affirme : Je crois que je verrai les biens du Seigneur. Disant cela, il nous entraîne vers le sens spirituel de son propos. Car quels autres biens ce roi rechercherait-il ? Quel bien pouvait manquer à ce roi qui fut tellement puissant, lui qui avait amassé tellement de richesses que Salomon, son fils et successeur, s’en contenta, lui que nul ne surpassa en opulence dans tout l’univers ?
Que recherchait-il d’autre dans la terre des vivants que ces biens que l’œil n’a pas vus, que l’oreille n’a pas entendus, ces biens dont l’idée n’est montée au cœur d’aucun homme, ces biens que Dieu a préparés pour ceux qui l’aiment. Quant aux paroles de l‘Evangile, Heureux les doux, ils possèderont la Terre, elles semblent se contredire au sens littéral ; Car la possession de la terre n’appartient pas aux doux, aux timides, car souvent ils perdent par leur douceur et leur timidité ce que leurs parents leur ont laissés : la terre appartient bien plutôt aux forts, aux violents toujours prêts à se battre.
La Terre des vivants, c’est celle où sont préparés les biens du Seigneur pour les doux, pour les saints. C’est cette Terre que le premier Adam a perdue, mais que le second Adam a retrouvée ; ou plutôt que le premier Adam a perdue, mais que le second a rendue.
Voulons-nous savoir plus clairement encore quelle est cette Terre ? Lisons Malachie : ils vous appelleront tous bienheureux, dit le Seigneur, car vous serez un pays désirable, c’est-à-dire un pays que les saints puissent désirer, ou plutôt un pays qui plaise à Dieu. Cette Terre, c’est la montagne de Sion, la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, la réunion des milliers d’anges en fête, l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux.