Sur Jean 21, 1-19
Dans le filet de la foi
Saint Grégoire le Grand
Homélies sur l’Evangile, Sources Chrétiennes 522, homélie 24, p. 89s

On peut se demander pourquoi, alors que ses disciples peinent sur la mer, le Seigneur se tient sur le rivage, après sa résurrection, alors qu’avant sa résurrection, il a devant ses disciples marché sur les eaux. On trouve vite la raison si l’on examine les conditions d’alors. En effet, que désigne la mer, sinon le monde présent agité par le mouvement des affaires, et la houle d’une vie corruptible ? Que désigne la stabilité du rivage, sinon la perpétuité du repos éternel ? Les disciples étaient encore au milieu des flots de la vie mortelle et peinaient sur la mer ; notre rédempteur, lui, après la résurrection, ayant déjà dépassé la condition d’une chair corruptible, se tenait sur le rivage, sur la terre ferme.
Dans la première pêche, le filet se rompt à cause de la multitude des poissons, car bien des réprouvés entrent dans l’Eglise pour confesser leur foi et y déchirent le filet qui représente l’Eglise. Dans la deuxième pêche, au contraire, on prend beaucoup de gros poissons sans que le filet se rompe, car la sainte Eglise des élus, reposant dans la paix continuelle de son fondateur, n’est plus déchirée par aucune dissension.
Après avoir pris tant de gros poissons, Simon-Pierre monta dans la barque et tira le filet à terre. Pourquoi c’est Pierre qui ramène le filet à terre ? C’est à lui qu’a été confiée la sainte Eglise, à lui que s’adressent ces paroles particulières : Simon, fils de Jean, m‘aimes-tu ? Sois le pasteur de mes brebis. Ce qui est dévoilé ensuite par une parole est signifié maintenant par un acte. Comme le Prédicateur de l’Eglise nous enlève aux flots de ce monde, il faut que Pierre amène à terre le filet rempli de poissons. Il tire lui-même les poissons sur le ferme rivage, car, par la sainte prédication, il montre aux fidèles la stabilité de la patrie éternelle. Cela, il l’a fait par ses paroles, il l’a fait par ses lettres, il le fait chaque jour par les signes de ses miracles. Chaque fois que nous nous tournons grâce à lui vers l’amour du repos éternel, chaque fois que nous sommes séparés du tumulte des affaires terrestres, ne sommes-nous pas ramenés au rivage, tels des poissons pris dans le filet de la foi ?