Sur Jean 10, 27-30
La voix du berger
Saint Augustin
Sermon au peuple, sermon 47, chapitre 3, OC 16, p. 287s

Notre unique sollicitude doit être d’écouter la voix du Pasteur, c’est maintenant le temps de l’écouter, puisque le temps où il doit nous juger n’est pas encore venu. Dans cette vie, Dieu tout à la fois nous parle et se tait. Voilà pourquoi il dit par son prophète : Je me suis tû ; me tairai-je toujours ? (Isaïe 42,14). Comment peut-il dire qu’il s’est tû, puisqu’il ne peut l’affirmer qu’en rompant le silence ? Dire : Je me suis tû, c’est ne point se taire ; c’est affirmer qu’on se tait, c’est donc rompre le silence ! J’écoute votre voix qui se fait entendre à moi par tant de préceptes, par tant de sacrements, par tant de pages dans vos saints livres ; je vous écoute enfin dans ces paroles : Je me suis tû ; me tairai-je toujours ? Comment donc avez-vous gardez le silence ? Parce que je ne dis pas encore aux uns : Venez les bénis de mon Père, prenez possession du Royaume. Et aux autres : Allez, maudits, au feu éternel qui a été préparé au diable et à ses anges. Je ne prononce pas encore cette sentence, bien que je la fasse connaître par avance. La dernière sentence qu’un juge doit prononcer, qu’il écrit de sa main sur des tablettes et qui doit être la sentence définitive, n’est point d’abord signifiée aux parties. On les fait sortir pendant qu’on l’écrit. Elles sont en proie à de mortelles inquiétudes, incertaines qu’elles sont de celui qui sera absout ou condamné. C’est le grand secret du juge, aussi appelle-t-on secretarium l’endroit où il rédige la sentence. Ceux qui sont en cause sont tremblants de crainte, ils ignorent ce que pensent le juge, ce qu’il écrit. Ce n’est qu’un homme cependant, et ceux dont il va prononcer le jugement sont des hommes comme lui. Mais celui qui doit nous juger un jour est le Seigneur notre Dieu, nous sommes le peuple de son pâturage et les brebis de ses mains ; et, quoiqu’il soit notre créateur et nous ses créatures, bien qu’il soit immortel et invisible, il n’a point voulu nous laisser ignorer la dernière sentence qu’il doit prononcer au dernier jour. Or, celui qui veut condamner ne dit pas par avance, je condamne, ni celui qui veut frapper, je frappe.