Sur Jean 13, 31-35
« Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres »
Père Louis-Joseph Lebret
Dimensions de la Charité, chapitre 30, p. 67-68

Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. L’amour comporte que l’autre soit aimé pour qu’il soit en Dieu. C’est logique, c’est l’exigence impérieuse du combat contre soi-même. On n’aime pas vraiment si l’on ne veut pas le plus grand bien, le plus haut bien à son ami. Ceci ne veut pas dire que l’on cherchera à lui imposer sa foi. La foi est don de Dieu, la récompense de Dieu à l’homme de bonne volonté qui veut se libérer des faux dieux. Encore faut-il fournir, à l’homme de bonne volonté, l’occasion de se poser des questions sur le sens de sa vie et sur l’appel de Dieu.
Aimer les autres pour qu’ils soient en Dieu n’exclut pas le vouloir de les rendre plus hommes. Aimés en Dieu, ils sont purement aimés pour eux-mêmes et en tout eux-mêmes. Les aider à grandir de quelque manière que ce soit ne doit jamais chercher à les asservir, à les posséder, à les avoir. L’amour en Dieu est, de soi, un amour intégral ; s’il comprend le vouloir de la croissance de l’autre, il comporte aussi le respect et l’amour de sa liberté. L’adhésion à Dieu est essentiellement un acte libre.
L’approche de l’autre n’est donc pas une manœuvre d’investissement. Il ne s’agit pas d’assiéger l’autre, mais de l’aborder comme une merveille à admirer, comme une fleur à faire éclore, comme un possible dont il faut faciliter la réalisation.
L’autre ne se trompe pas quant à l’authenticité de l’amour qu’on prétend lui porter. L’expert plein de morgue ne suscite ni la reconnaissance, ni l’affection. Le missionnaire qui ne s’est pas dépouillé de la certitude de son excellence, et des préjugés de sa race rend un témoignage inopérant. Le petit frère de Jésus devenu, par amour, l’un des villageois d’un pays d’Afrique noire ne tarde pas à se laisser estimer et aimer.
Aimer les autres pour qu’ils soient plus hommes et hommes jusqu’à atteindre Dieu, fait respecter en eux toutes les valeurs et les phases nécessaires de la croissance. Quand on aura beaucoup aimé, beaucoup fait dans l’oubli de soi, Dieu saura bien accomplir au-dedans de l’autre l’ouverture au divin.