Sur Actes des Apôtres 20, 17-38
La prière de Milet
Dom Jacques Dupont
Le discours de Milet, Testament pastoral de saint Paul, p. 373s

En finale du discours de Milet, Luc mentionne une fois de plus la prière. L’initiative reste à Paul ; les verbes sont au singulier : il s’agenouille et il prie. Au départ de Tyr, tous les chrétiens s’agenouillent et prient ensemble ; ici, Paul conduit, les autres suivent. Il prie avec eux tous, les associant à sa prière. Il faut en effet que cette prière constitue la conclusion du discours : après avoir parlé aux anciens, l’apôtre se tourne vers Dieu ; après leur avoir rappelé les devoirs de leur charge, il demande à Dieu de les aider par sa grâce, il le demande devant eux et avec eux. Paul achève son discours en s’adressant à Dieu.
Mais Luc ne continue pas. Il a jugé nécessaire de mentionner la prière sans laquelle le discours serait incomplet ; cependant il s’abstient de nous en rapporter les termes. En effet, un lecteur familier des Ecritures ne peut ignorer, qu’en conclusion d’un discours, une prière ne fait que reprendre d’une autre manière les principaux termes du discours. Au lecteur qui l’interrogerait sur le contenu de la prière de Paul, Luc répondrait sûrement que l’indication, Après ces paroles, il se mit à genoux avec eux tous et pria, est suffisamment claire : relisez le discours et transposez-le en prière. Autorisons-nous de nous inspirer des cadres traditionnels d’une prière communautaire.
La prière chrétienne commence normalement par louer Dieu : nous lui rendons hommage et confessons notre foi. D’après les versets du discours de Paul, le premier mouvement de sa prière s’adresserait au Dieu qui, par le sang de son Fils bien-aimé, s’est acquis un peuple constituant l’Assemblée ou l’Eglise de Dieu ; au Dieu qui, par les soins de son Esprit, a pourvu son troupeau de pasteurs chargés de veiller sur lui avec sollicitude ; au Dieu qui place ces pasteurs sous la protection de la parole de sa grâce afin de construire l’édifice de la vie chrétienne
Avant l’imploration, il faudrait mentionner les raisons qui font prendre plus vivement conscience du besoin qu’on a du secours divin et qui poussent à le demander : après le départ de l’apôtre, la communauté serait en butte à des ennemis du dehors comme du dedans. A la pensée de ces dangers, l’apôtre implore Dieu de venir en aide aux presbytres chargés de la lourde responsabilité des fidèles : qu’il les rende vigilants, qu’il leur donne le courage de parler avec assurance, qu’il remplisse leur cœur de patience, qu’il leur inspire un détachement et un désintéressement absolus ainsi qu’une charité efficiente, enfin que tous ils se persuadent que ce que Dieu attend d’eux, ils doivent l’attendre de la grâce divine, ne comptant que sur elle, ne cessant de l’invoquer dans leurs prières pour eux-mêmes et pour leur troupeau.