sur Actes 5,12-32 ou Ephésiens 4,1-16
L’évangile de saint Marc
Introduction à la traduction œcuménique de la Bible
Introduction à l’évangile selon saint Marc, p. 125s

On s’est plu à louer Marc pour son art de conteur. Si son vocabulaire est pauvre, ses phrases mal liées, ses verbes conjugués sans souci de concordance de temps, ses gaucheries elles-mêmes contribuent à la vie d’un récit proche du style oral. Sous le détail pris sous le vif, toutefois, la trame apparaît souvent avec un schématisme qui trahi un matériau déjà traditionnel ou modelé pour l’usage des communautés. Quand le narrateur fait revivre la scène, il n’offre pas le compte rendu naïf d’un observateur immédiat. D’ailleurs l’absence de toute chronologie quelque peu suivie, l’indifférence à la psychologie des personnages, l’image stéréotypée de la foule, interdisent de lire cet évangile comme une simple vie de Jésus. Mais, sans frais de littérature, Marc excelle à suggérer le portrait vivant d’un homme, Jésus, qui contredit les images toutes faites, avec ses réactions imprévisibles, sa compassion ou sa brusquerie, sa surprise ou sa parole tranchante. Toute son âme passe dans un regard, mais celui-ci peut être chargé de colère ou de bonté, d’interrogation ou d’attention, d’affection, de gravité. Devant Jésus, toutes les attitudes aussi sont possibles, de la stupéfaction à l’émerveillement, de la méfiance à la décision de le tuer, et, pour les disciples, de l’attachement irraisonné à l’inintelligence et à l’abandon.
Marc demeure pour nous le premier exemple connu du genre littéraire appelé évangile. Sa rudesse, l’absence d’apprêt, l’abondance des sémitismes, le caractère élémentaire de la réflexion théologique, indiquent un état ancien des matériaux utilisés. Les personnages et les lieux nommés proviennent de traditions archaïques. Les enseignements de Jésus, l’insistance sur la proximité du Royaume de Dieu, les paraboles, les controverses, les exorcismes ne trouvent leur situation historique d’origine que dans la vie de Jésus en Palestine. Les souvenirs, formulés d’abord pour les besoins de la prédication, de la catéchèse, de la polémique, ou de la liturgie des églises, s’enracinent dans le témoignage des premiers disciples.
Le mérite de Marc fut de les fixer au moment où la vie des églises répandues hors de Palestine et la réflexion théologique attisée par la rencontre de cultures étrangères, risquaient de perdre le contact avec les origines de l’Evangile. Il a réussi à maintenir vivante, ineffaçable, la vision d’une existence mouvementée, difficile à comprendre. Qui donc est cet homme ? A cette question, Marc apporte la réponse des premiers croyants, qui furent les premiers témoins. Mais pour qui se contenterait de répéter cette réponse, il rouvre la question et rappelle que la foi s’éprouve dans l’engagement sans compromis à la suite de Jésus, toujours à l’œuvre, par l’Evangile, au milieu des hommes.