sur Siracide 39,1-10 ou Romains 12,1-21 ou Colosiens 3,1-17
Le mariage mystique
Bernard Sésé
Petite vie de Catherine de Sienne, p. 43s

Le Cantique des cantiques est, dans la tradition chrétienne, le modèle par excellence de l’union suprême entre l’âme et Dieu. Origène, Grégoire de Nysse, Bernard de Clairvaux, Raymond Lulle, François de Sales, Thérèse de Lisieux et bien d’autres y ont distingués les étapes successives qui y conduisent : la rencontre des amants, les péripéties de l’abandon et de la quête d’amour, les fiançailles, le mariage. Jean de la Croix, dans ses poèmes et ses traités doctrinaux, a magnifiquement exposé la poétique et la théologie les plus achevées de ce qu’il appelle « l’endieusement » de l’âme. Chaque mystique, selon son expérience, toujours originale, selon son tempérament, son imagination, se sensibilité, et les contingences de son existence, en renouvelle incessamment la manifestation et l’expression. L’expérience mystique est toujours singulière.
En 1368, Sienne est en liesse : c’est Carnaval. Tandis que la fête bat son plein, Catherine, dans sa chambre, est en oraison. Dans la rumeur bruyante qui vient de l’extérieur, elle redit l’imploration qu’elle a tant de fois adressée à Celui à qui elle s’est consacrée depuis l’enfance. Alors elle entendit ces mots : Puisque pour l’amour de moi tu as rejeté loin de toi et fui toutes les choses vaines, et qu’avec le mépris de la chair, tu as mis en moi seul les délices de ton cœur, maintenant que les autres dans ta maison, je veux célébrer avec toi la fête nuptiale de ton âme, et, comme je te l’ai promis, je t’épouse dans la foi.
Ce fut une cérémonie magnifique. Avant même que le Christ eut fini de parler, tout un cortège l’entourait : la Vierge Marie, Jean l’évangéliste, Paul, le prophète David. Saint Dominique évidemment était de la fête. Des sons d’une mélodie inouïe s’élèvent de la harpe de David accompagnant l’officiant : la Vierge en personne saisit la main de Catherine, la présente à son Fils, l’invitant à se donner à elle pour Epoux dans la foi. Celui-ci y consent en grâce, et, prenant un anneau d’or au rebord enchâssé de quatre perles et d’un merveilleux diamant, qu’il glissa au doigt de la jeune fille, il lui dit : Moi, ton Créateur et ton Sauveur, je t’épouse dans la foi. Tu garderas sans tache cette foi jusqu’à ce que tu viennes au ciel pour y célébrer avec moi les noces éternelles. Et la vision s’effaça.
L’anneau demeura à jamais au doigt de Catherine. Elle ne cessa plus de le sentir et de le voir. Mais l’anneau symbolique demeura à jamais invisible à tout autre regard que le sien. Ainsi fut célébré le mariage mystique de Catherine de Sienne, expérience spirituelle hors du commun ; l’anneau invisible est le symbole de la confirmation en grâce, promesse de vie éternelle, sommet de la vie contemplative ; la destinée et la doctrine de la jeune épousée en furent à jamais illuminées.