Sur Actes des Apôtres 10, 1-33
La vision de Pierre
Chantal Guillermain et Louis Barlet
Le beau Christ en Actes, p. 125s

Pierre est monté sur la terrasse pour prier. Or pendant qu’il prie, la faim le prend. Une prière qui donne faim ?… En bas, on lui prépare quelque nourriture, selon les règles de Moïse, bien sûr. Mais voici que, en haut, le Ciel y pense aussi : il s’ouvre devant Pierre et quelque chose en vient. Le ciel ouvert, voilà une belle image de communication entre les deux mondes : celui des hommes et celui de Dieu. Le Ciel fait portes ouvertes, pour offrir quelque chose, puisqu’un objet en descend.
C’est comme une grande table garnie de mille victuailles. De quoi manger enfin ! Et une voix lui dit : Lève-toi, Pierre, sacrifie et mange. Cela par trois fois. A sa faim, le ciel lui répond par cette nourriture. Mais voilà qui est bien étonnant : le Ciel contrevient à la Loi de Moïse, qui est Loi de Dieu ! La liste des animaux consommables et ceux impurs est donnée au livre du Lévitique. Et ces règles veulent porter, au cœur des réalités quotidiennes, l’écoute de la Parole de Dieu, la fidélité à son Alliance, la joie d’être son peuple. En mangeant ainsi, Israël assume, dans les choses de la vie, son identité de Peuple élu, séparé par Dieu du reste du monde.
L’intéressé proteste : Impossible, Seigneur, je n’ai jamais rien mangé d’impur ! La voix s’était adressée à Pierre, l’apôtre de Jésus ; mais c’est le juif Simon qui dit non. Cette table agresse la judéité de Simon qui se sent offensé d’autant plus que le repas proposé est un repas religieux, puisque la voix parle de sacrifice. Sacrifie et mange, lui dit-elle. Pierre est ainsi convié à un repas sacré : il s’agit ici d’un sacrifice de communion, le sacrifice qui s’achève par un repas. L’offrant y mange, avec ses proches, la part de la victime qui lui est revenue ; ils prennent ce repas souvent dans le Temple, ayant conscience de manger avec Dieu, d’être reçus par lui. Voilà Pierre confronté à un tel sacrifice ; mais aujourd’hui, la victime lui vient du Ciel ouvert devant lui. Va-t-il y entrer ? Non, et cependant la table céleste vient à lui, c’est donc que Dieu veut recevoir à sa table ! Quelle surprenante réception ! Le Seigneur veut-il que le Juif Simon s’attable avec ceux dont Moïse lui dit : Tu ne les fréquenteras pas ! Le Seigneur veut-il défaire maintenant tout ce qu’il a fait avec sa Loi ?
Non, Simon n’ira pas : Jamais je n’ai mangé quelque chose d’impur ! Mais la voix lui répond : Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis pas impur. Quelle œuvre ! Il y a là une immense purification accomplie par Dieu, une purification plus grande que celle réalisée par la Loi. Car la Loi a séparé le pur de l’impur, le saint du vulgaire ; elle a protégé la pureté, la sainteté, elle ne les crée pas. Mais Dieu, au dire de cette voix, a créé le pur dans l’impur, le saint dans le vulgaire ! Quand Dieu a-t-il fait cela ? Aucune explication n’est donnée, l’apôtre reste avec toutes ces questions. D’autant que le spectacle cesse à la troisième fois, sans qu’il ait mangé ! Mais sa faim a changé de nature : au début de sa prière, il a eu faim de pain, maintenant il a faim de comprendre.