Sur Actes 6, 1-15
A tous, Dieu partage également ses dons

Saint Grégoire de Nazianze
De l’amour des pauvres, PG 35, 890-891

Imitons la loi sublime et première de Dieu qui fait pleuvoir pour les justes et pour les pécheurs, et fait lever pour tous également le soleil. Tous ceux qui vivent sur terre. Tous ceux qui vivent sur terre, il les comble d’immenses étendues, de sources, de fleuves et de forêts. Pour la vie de tous, il fournit en abondances les ressources premières qui ne peuvent être ni accaparées par les forts, ni mesurées par les lois, ni délimitées par des frontières ; mais il donne pour tous, de sorte que rien ne manque à personne. Ainsi honore-t-il l’égalité naturelle par le partage égal de ses dons, ainsi montre-t-il la richesse de sa bonté.
Les hommes, eux, lorsqu’ils amassent or, argent, vêtements somptueux autant qu’inutiles, diamants et autres choses semblables qui donnent lieu à la guerre, à la discorde, et à la tyrannie, sont alors pris d’une folle arrogance, ferment leur cœur aux malheurs de leurs frères et ne consentent même pas à leur laisser de leur superflu pour leur donner de quoi vivre. Stupide aberration ! Ils ne se rendent absolument pas compte que pauvreté et richesse, condition libre et condition servile, ainsi que les autres catégories semblables arrivèrent tard chez les hommes et déferlèrent comme des épidémies en même temps que le péché dont elles étaient les conséquences. Mais au commencement il n’en fut pas ainsi : au commencement, la Créateur laissa l’homme libre et maître de lui-même, tenu à un seul commandement et riche des délices du paradis. Dieu voulait cela pour tout le genre humain, issu du premier homme. Liberté et richesse dépendaient de l’observation d’un seul commandement. Sa violation entraînait la véritable pauvreté et la servitude.
Depuis que l’envie et les disputes ont apparu avec la tyrannie rusée du serpent qui nous séduit par le plaisir qui dresse les plus hardis contre les plus faibles, la famille humaine s’est déchirée en nations, étrangères les unes pour les autres. L’avarice a supplanté la générosité naturelle et s’est appuyée sur la loi pour dominer avec force.
Mais toi, considère l’égalité primitive et non les divisions ultérieures, la loi du Créateur et non celle des puissants. Aide la nature de ton mieux, honore la liberté originelle, respecte ta personne, protège ta race contre le déshonneur, secours-la dans ses maladies, console-la dans sa pauvreté. Ne cherche à te distinguer des autres que par ta bonté. Deviens Dieu pour les malheureux en imitant la miséricorde divine.