Sur Actes des Apôtres 18, 1-28
Les débuts à Corinthe
Père Jérôme Murphy-O’Connor
Histoire de Paul de Tarse, p. 96s

Quand Paul, Timothée et Silas quittèrent Athènes pour Corinthe, ils avaient environ 80 kilomètres à faire sur une route riche d’associations religieuses. Le premier contact de Paul avec ce que serait sa vie à Corinthe aura été la foule animée et bruyante à travers laquelle il aura dû se frayer un chemin. En voyant cette foule affairée, Paul pouvait craindre que cette ville serait trop absorbée par le commerce pour s’intéresser à sa prédication : en réalité, il allait vite y discerner un grand vide que la Bonne Nouvelle de l’Evangile pourrait combler.
Il devait y avoir bon nombre d’ateliers de fabricants de tentes à Corinthe, mais par une chance extraordinaire, Paul fut engagé par des chrétiens. Priscille et Aquilas étaient d’anciens esclaves juifs affranchis, convertis à Rome ; ils avaient décidé de quitter l’Italie en 41, craignant la persécution après que l’empereur Claude eut fermé une synagogue romaine où régnait une agitation continuelle à cause du Christ. Au début, à Corinthe, traumatisés, ils gardèrent le silence sur leur foi, et Paul n’était pour eux qu’un bon artisan. Il dut y avoir un moment extraordinaire lorsque Priscille et Aquilas l’entendirent prêcher, et comprirent que c’était le même message que celui auquel ils avaient répondu à Rome. Paul, habitué à prêcher en territoire vierge, dut être aussi déconcerté qu’ils étaient heureux : eux, qui avaient dû se contenter jusque-là d’informations rudimentaires sur le christianisme, se trouvaient être les hôtes d’un émissaire autorisé qui, en outre, avait été à Jérusalem.
L’Eglise de Corinthe prit un brillant départ ; en quoi le message de l’Evangile parut-il si attrayant ? Â part quelques personnes qui, tels Priscille et Aquilas, étaient des commerçants ou des notables riches tels Crispus, Stéphanas, Gaïus, l’Eglise de Corinthe était un groupe hétérogène dont la seule unité était la foi chrétienne. Ses membres différaient par l’éducation, les ressources financières, l’origine religieuse, et surtout les espérances. Le premier message de l’Evangile, le Sauveur du monde est mort sous la torture, était intelligible pour tous ces gens pris dans leurs contradictions : regardés comme faibles, ils connaissaient leur propre force et pouvaient facilement comprendre l’idée que la puissance se déploie dans la faiblesse que leur révélaient la vie du Christ et celle de Paul. L’insécurité qui empoisonnait leur existence trouvait un sens dans le christianisme qui, en même temps, les introduisait dans une société où ils étaient des individus uniques, tous également appréciés. Le christianisme leur offrait un espace où il pouvait s’épanouir en liberté.