Sur Actes des Apôtres 20, 1-16
Des morts qui ont été ressuscités
Saint Augustin
Des merveilles de l’Ecriture Sainte, 3ème Livre, chapitre 12, OC 11, p. 191s

Dieu, dans ses décrets immuables, a fixé à la vie de tous les hommes des limites certaines et déterminées. Il permet la mort de quelques-uns, non pas pour qu’ils meurent irrévocablement, mais pour environner d’un plus grand éclat aux yeux des hommes ceux qui les ressuscitent, en montrant combien ils sont chers au cœur de Dieu. Voilà pourquoi Notre Seigneur disait en parlant de Lazare : Cette maladie ne va pas à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié. Quelque temps après ces paroles, Lazare meurt, mais le Fils de Dieu, qui est glorifié en lui, le ressuscita le quatrième jour, parce qu’il n’avait pas fixé à ce moment la durée de sa vie. Le Seigneur prend soin d’offrir des occasions afin que nous lui demandions ce qu’il désire nous accorder ; mais parfois, même si un saint le prie de lui donner ce qui n’entre point dans ses desseins, Dieu ne permet pas qu’il reçoive l’effet de sa prière. Ainsi Moïse a demandé d’entrer dans la terre promise, Paul a prié Dieu d’éloigner de lui l’ange de Satan : ils n’ont pas obtenu ce qu’ils demandaient.
Une remarque générale à faire sur tous les morts ressuscités, c’est qu’ils sont morts une première fois pour glorifier par leur résurrection ceux qui en étaient dignes. En effet, dans les huit morts dont les divines Ecritures, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, nous rapportent la résurrection, il nous faut considérer ce qu’elles disent de la manière dont Elie ressuscita le premier mort, c’est-à-dire le fils de la veuve : Seigneur, mon Dieu, faites je vous prie que l’âme de cet enfant retourne en son corps. Et aussi de la résurrection du dernier mort, Eutyque, dont les Actes des Apôtres disent : Il fut relevé mort. Paul, s’étant précipité vers lui, le prit dans ses bras, et dit : Ne vous agitez pas, il est vivant ! Ces deux passages doivent être entendus avec discernement. Il est dit du fils de la veuve qu’il était mort, et que le prophète demanda à Dieu que son âme revienne à lui, et du second qu’il était mort également, et que cependant Paul déclare qu’il est vivant. L’Ecriture dit la vérité d’un côté comme de l’autre, parce qu’elle ne peut mentir. Mais quelle raison nous persuadera jamais que l’âme d’un mort puisse être cachée dans les membres du corps, à moins qu’on ne dise que l’âme, qui est immatérielle, habite secrètement quelque endroit retiré du corps ? Quelques-uns pour s’épargner le travail d’une interprétation raisonnable, disent d’Eutyque que son âme se sépara de son corps au moment de sa mort, mais que c’est alors qu’elle y rentrait quelques instants après que Paul a pu dire : Il est vivant. Cependant l’Ecriture ne dit, ni que son âme était sortie de son corps, ni qu’elle revint ensuite.
Quant aux six autres morts dont l’Ecriture ne rapporte point, ni que leurs âmes étaient sorties de leurs corps, ni qu’elles y sont rentrées ; il n’y a pas le moindre doute : ils sont tous réellement morts et ont ressuscité par l’action de la puissance divine.