Sur Luc 1, 39-56
La rencontre

Saint Ambroise de Milan
Traité sur l’évangile de saint Luc, SC 45, p. 82s

Marie agit par charité en venant auprès d’Elisabeth ; elle nous donne là une règle à suivre, car il faut remarquer que, dans cet épisode, c’est le supérieur qui vient à l’inférieur pour l’aider : Marie vient à Elisabeth, et le Christ à Jean. Ainsi, plus tard, le Seigneur viendra au baptême de Jean pour le sanctifier.
Et aussitôt se manifestent les bienfaits de l’arrivée de Marie, et de la présence du Seigneur : car au moment où Elisabeth entendit le salut de Marie, l’enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie de l’Esprit Saint. Remarquez le choix et la précision de chaque mot. Elisabeth a, la première, entendu la voix, mais Jean a, le premier, ressenti la grâce : celle-là suivant l’ordre de la nature a entendu, celui-ci a tressailli sous l’effet du mystère. Elisabeth a perçu l’arrivée de Marie, l’enfant celle du Seigneur, la femme celle de la femme, l’enfant celle de l’enfant. Elles parlent grâce ; eux la réalisent au-dedans et abordent le mystère de la miséricorde au profit de leurs mères. Et, par un double miracle, les mères prophétisent sous l’inspiration de leurs enfants. L’enfant a tressailli, la mère a été comblée ; la mère n’a pas été comblée avant son fils, mais le fils, une fois rempli de l’Esprit Saint, en a aussi rempli sa mère.
Jean a tressailli, l’esprit de Marie a également tressailli. Au tressaillement de Jean, Elisabeth est comblée ; pour Marie, nous n’apprenons pas alors qu’elle fut remplie de l’Esprit Saint, mais que son esprit tressaille, car Celui qu’on ne peut comprendre agissait en sa Mère d’une manière non compréhensible.
Enfin, celle-là est comblée après avoir conçu, celle-ci avant de concevoir.
Bénie es-tu parmi les femmes, et béni le fruit de ton sein ! L’esprit Saint connaît sa parole ; il ne l’oublie jamais, et la prophétie se réalise non seulement dans les faits, mais en toute rigueur et propriété de termes. Quel est le fruit du sein, sinon Celui de qui il fut dit : Voici que le Seigneur donne pour héritage les enfants, récompense du fruit du sein (Psaume 126,3). Autrement dit, l’héritage du Seigneur, ce sont les enfants, prix de ce fruit qui est issu du sein de Marie. C’est lui le fruit du sein, la fleur de la tige dont Isaïe prophétisait bien : Une tige va s’élever de la souche de Jessé, et une fleur jaillir de cette tige : la souche, c’est la race des Juifs, la tige Marie, la fleur de Marie le Christ, qui, comme le fruit d’un bon arbre, selon nos progrès dans la vertu, maintenant fleuri, maintenant fructifie en nous, maintenant renaît par la résurrection qui rend la vie à son corps.