Sur Philippiens 1,27 – 2,11
L’exaltation du Christ
Joachim Gnilka
La carrière du Christ, appel à l’union et à la charité, AS 57, p. 17s

Dans la célèbre hymne aux Philippiens, on distingue deux thèmes successifs qui décrivent ensemble la carrière du Christ : le premier concerne l’abaissement du Christ qui descend du monde de Dieu pour assumer son destin humain, le second se rapporte à son exaltation, son établissement comme Kyrios de l’univers.
Le tournant de l’hymne se produit au verset 9 : Dieu l’a exalté souverainement et lui a conféré le Nom au-dessus de tout nom. Ce qui attire le plus est le changement de sujet ; jusqu’ici, le seul sujet des actions était le Christ, désormais c’est Dieu qui intervient. Ce que Dieu a fait pour le Christ est comme la réponse à la carrière de renoncement qu’il a librement choisie. Du point de vue formel, la deuxième partie de l’hymne s’inspire de la structure d’un rituel de couronnement de l’Orient ancien. Celui-ci comportait trois parties : la présentation du nouveau souverain, sa proclamation, et l’acclamation du prince pour ses vassaux.
Ce qui correspond à la présentation, c’est l’exaltation avec deux idées : d’une part rien ni personne ne peut dépasser le rang attribué maintenant au Christ ; d’autre part on suppose une conception déterminée du monde dans laquelle le trône royal du Christ occupe la place la plus élevée.
Dans l’attribution du nom, se réalise quelque chose d’analogue à la proclamation qui avait lieu lors de l’intronisation. Le nom n’est pas quelque chose d’insignifiant, d’extérieur, il est l’expression de l’être. Il n’est pas encore dit quel est le nom que Dieu a donné à celui qu’il exaltait. Ce nom ne sera prononcé qu’à la fin, Kyrios, Seigneur.
La place la plus large est attribuée à la scène de l’acclamation, l’élément le plus important au point de vue théologique. La description emprunte les termes d’Isaïe (45,23) : les peuples échappés à la catastrophe fléchissent le genou devant Dieu ; dans l’hymne au Christ, le sens de cette parole est dépassée et modifiée à plusieurs égards : l’acclamation se fait au nom de Jésus et celui qui est célébré dans ce texte n’est pas un être mythologique, mais un homme historique. L’acclamation vient désormais de tous les êtres qui sont au ciel, sous terre, et dans les enfers. Le Christ est le centre dans lequel la réalité et l’histoire du monde trouve leur sens : le Christ assure et garantit le destin de l’individu et celui du monde. Par son obéissance, le Christ a vaincu les puissances redoutables ; c’est pourquoi le nom de Kyrios lui est maintenant reconnu. Kyrios est le mot par lequel la Bible grecque a traduit le nom divin ; le Kyrios Jésus occupe désormais la place de Dieu par rapport au monde, il est le médiateur entre Dieu et les hommes : c’est par lui que le monde trouve accès auprès de Dieu.