Sur Néhémie 9, 22-37
De l’exil à la cité céleste

Saint Augustin
Livres contre Fauste, Livre 12, chapitre 31, p. 573s

Pour en venir à la captivité de Babylone, où l’Esprit de Dieu, par la bouche du prophète Jérémie, condamne les Juifs à se rendre, en leur faisant une obligation de prier pour ceux dont l’empire sera leur lieu d’exil, afin que, leurs vainqueurs vivant en paix, ils soient eux-mêmes tranquilles, construisent des maisons, soignent leurs vignes, dessinent des jardins, qui ne reconnaît ce que cela figure, en remarquant que les vrais Israélites, ceux qui n’ont point de déguisement, sont passés par le ministère des Apôtres, avec les sacrements de l’Eglise, dans le Royaume des Gentils ? Voilà pourquoi l’Apôtre, répétant en quelque sorte le rôle de Jérémie, s’écrie : Je veux avant toutes choses que l’on fasse des supplications, des prières, des demandes et des actions de grâces pour tous les hommes, pour les rois et pour ceux qui sont élevés en dignité, afin que nous menions une vie paisible et tranquille dans toute sorte de piété et de charité. Car cela est bon et agréable à Dieu notre Sauveur qui veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à la connaissance de la vérité. En effet à partir de ce moment, ceux-ci ont cru, ils ont construits des demeures de paix, les basiliques où se tiennent les assemblées chrétiennes, ont planté les vignes du peuple des fidèles, dessiné des jardins où, entre autres plantes, germe le fameux grain de sènevé, dont les ombrages étendus au loin et au large offrent un lieu de repos à l’orgueil même altier des nations qui va s’y réfugier comme parmi les oiseaux du ciel. Si le retour de la captivité s’effectue soixante-dix ans après, selon ce qu’avait prédit le prophète Jérémie (29,10), et si le Temple est reconstruit (Esdras 1,1), quel fidèle du Christ ne comprend par là, que, nous aussi, après la révolution des temps qui s’écoulent, nous qui sommes l’Eglise, nous devons retourner de l’exil de ce monde à la céleste Jérusalem ? Qui nous y ramènera sinon Jésus-Christ, le véritable grand prêtre dont le grand-prêtre Josué qui vivait alors au temps qui suivit la captivité et qui vit la reconstruction du Temple n’était que la figure ? C’est ce grand prêtre que Zacharie aperçut dans une vision, portant un vêtement souillé, à côté du diable vaincu, mais se tenant à sa droite pour l’accuser. Il vit ensuite qu’on lui ôtait ses vêtements sales et qu’on lui en donnait de beaux et de glorieux (Zacharie 3, 1-5). Ainsi en sera-t-il du corps de Jésus-Christ, qui est l’Eglise, quand l’ennemi sera vaincu à la fin des temps. Il passera du deuil de l’exil à la gloire du salut éternel. C’est bien évidemment aussi ce que nous chantons dans le psaume de la Dédicace d’une maison : Pour moi, tu as changé le deuil en une danse, tu dénouas mon sac et me ceignis d’allégresse. Aussi mon cœur te chantera sans plus se taire, Seigneur mon Dieu, je te louerai à jamais (Psaume 29, 12-15).