Sur Luc 10, 38-42
Vie contemplative et vie active
Saint Bruno de Segni
Commentaire sur l’évangile de Luc 1, 10, PL 165, 390-391

Le Seigneur Jésus entre chaque jour dans la bourgade de l’Eglise. Il ne dédaigne pas de la visiter continuellement. Marthe l’y accueille et le fait entrer dans sa maison. Voyons donc ce que Marthe symbolise, de même que Marie. Chacune d’elle est vraiment le signe de quelque chose d’important, puisque à elle deux elles constituent toute l’Eglise. Marthe symbolise la vie active, Marie la vie contemplative. Voilà pourquoi, d’après ce que dit l’Ecriture, c’est Marthe, et non Marie, qui reçut le Christ dans sa maison.
Marie, en effet, n’a pas de maison, car la vie contemplative entraîne le renoncement à tous les biens de ce monde. Le contemplatif ne demande rien d‘autre que de s’asseoir aux pieds du Seigneur, de consacrer tout son temps à lire les Livres Saints, à prier et à contempler Dieu. Il lui suffit encore d’écouter sans cesse la parole de Dieu, d’alimenter son âme plutôt que son corps. Telle a été la vie des prophètes, des Apôtres et de beaucoup d’autres ; ils ont tout abandonné, ils ont fui le monde, et se sont attachés à Dieu.
Quant à la vie active, les bons et les méchants peuvent la mener. On l’appelle du reste vie active parce qu’elle est faite d’activités incessantes, de fatigues et de tâches sans fin, et qu’elle ne laisse presque aucune place à un moment de tranquillité. Comme nous parlons de Marthe, sœur de Marie, nous parlons de la vie active qui se rapproche beaucoup de la vie contemplative.
Cette sorte de vie active est pure, exempte de péché, très proche de la vie contemplative. Que l’Apôtre prêche, qu’il baptise, qu’il travaille de ses mains pour vivre, qu’il parcoure les villes, qu’il se soucie de toutes les Eglises, cela ne relève-t-il pas de la vie active ? Ainsi le même évangile dit-il, en parlant de Marthe, qu’elle était accaparée par les multiples occupations du service. Du reste, nous voyons encore aujourd’hui des chefs et des ministres de l’Eglise s’affairer à courir partout, se fatiguer, se démener, se donner beaucoup de peine pour subvenir de multiples façons aux besoins de leurs frères, si bien que nous pouvons dire à juste titre qu’eux aussi sont accaparés par les multiples occupations du service.
La vie contemplative est donc meilleure que la vie active, pour la raison qu’elle est exempte de soucis et ne cessera jamais. Cependant la vie active est à ce point nécessaire que, sans elle, la vie contemplative elle-même ne peut exister ici-bas.