Sur Job 28, 1-28
La Sagesse est cachée

Saint Grégoire le Grand
Morales sur Job, livre XVIII, chapitre 34, 89,92-93

Qui voit la Sagesse qui est Dieu est totalement mort à cette vie : l’amour de cette vie ne le retient plus. En effet, aucun homme qui vit encore de façon charnelle ne voit Dieu, parce que personne ne peut embrasser à la fois Dieu et le monde. Qui voit Dieu meurt de ce fait même : il est séparé par toute son âme des jouissances de cette vie, tant par les désirs de son cœur, que par sa propre manière d’agir. De là vient que le Seigneur dit à Moïse : L’homme ne peut me voir et vivre.
Cependant, puisque Dieu est un Etre simple et immuable, sa gloire n’est pas différente de sa nature : en lui, sa gloire est sa nature, et sa nature est sa gloire. Et la Sagesse de Dieu promet qu’elle se montrera un jour à ceux qui l’aiment, quand elle dit : Celui qui m’aime sera aimé de mon Père, je l’aimerai et me manifesterai à lui.
Nous verrons donc Dieu, si, par une mode de vie céleste, nous méritons d’être au-dessus du commun des hommes. Pourtant, nous ne le verrons pas comme il se voit lui-même. C’est qu’il y a une bien grande différence entre la manière dont se voit le Créateur et celle dont la créature voit son Créateur.
Assurément, nous ne verrons pas Dieu comme il se voit lui-même, et, de même, nous ne nous reposerons pas en lui comme il prend son repos en lui. Car notre manière de voir Dieu et de nous reposer en lui seront semblables à sa vision et à son repos, mais non identiques. Afin que nous ne restions pas repliés sur nous-mêmes, l’aile de la contemplation nous soulève, et, en le regardant, nous sommes élevés de nous jusqu’à lui. Ravis par l’élan de notre cœur et la douceur de la contemplation, nous allons en quelque manière de nous en lui-même, et bien qu’une telle marche ne soit pas pour nous un repos, aller ainsi est pourtant un parfait repos. C’est un parfait repos parce qu’on y voit Dieu ; mais pourtant ce n’est pas un repos égal au repos de Celui qui, pour se reposer, ne passe pas de lui en un autre. C’est pourquoi, comme je l’ai dit, c’est un repos, à la fois semblable au nôtre et dissemblable, puisque notre repos imite ce qui est le sien.
Car heureux et éternels pour toujours, nous imiterons Dieu. Et magnifique sera pour nous l’éternité, imitation de son Eternité. Nous ne serons pas en dehors de Celui que nous pourrons imiter, car, en le voyant, nous communierons à lui, et, en communiant à lui, nous l’imiterons. Certes cette vision est maintenant commencée par la foi, mais alors elle sera parfaite dans le face à face, quand nous boirons à la source même de la Sagesse coéternelle à Dieu, que maintenant nous absorbons de la bouche de ceux qui nous en parlent, comme des ruisseaux qui coulent de cette source.