Sur Job 6, 1-30
L’arbre de vie
Saint Bonaventure
L’arbre de vie, p. 11s

Imagine dans l’esprit de ton âme un arbre dont la racine est irriguée par une source au jaillissement perpétuel qui croît en un fleuve large et rapide, dont les quatre bras arrosent le paradis de l’Eglise entière. En outre, du tronc de cet arbre naissent douze rameaux ornés de feuilles, de fleurs et de fruits. Sa feuille est un médicament très efficace contre toute sorte de maladie, qui prévient autant qu’il guérit, car la parole de la croix est une force de Dieu pour le salut de tout croyant. La fleur est magnifique dans la beauté de ses couleurs, elle répand la suavité de toute odeur, elle ranime et attire les cœurs anxieux de ceux qui les désirent. Le fruit en douzaine est capable de procurer toutes les délices et de satisfaire tous les goûts ; il est donné à savourer aux familiers de Dieu pour qu’en le mangeant ils en aient toujours faim, sans jamais en être rassasiés. Ce fruit, qui a tiré son origine du sein virginal et qui, sur le bois de la croix, est parvenu à une savoureuse maturité sous la chaleur de midi du soleil éternel, c’est-à-dire de la charité du Christ, ce fruit est proposé dans le jardin du paradis céleste, à savoir la table même de Dieu, à ceux qui désirent le goûter. Ô croix, arbrisseau de salut, irrigué par la source vive, dont la fleur est pleine d’arômes, et le fruit désirable.
Mais bien que ce fruit soit un et indivisible, selon ses multitudes d’états, dignités, vertus et œuvre, il nourrit les âmes avec des consolations multiformes qui se ramènent à douze. Ce fruit de l’arbre de vie est donc proposé et décrit en douze saveurs sur douze rameaux : l’esprit dévot au Christ perçoit la saveur de la suavité en réfléchissant dans la premier à l’origine et à la douce nativité de son Sauveur ; dans le second, à son mode de vie très humble quand il descend à notre niveau, malgré sa dignité. Dans le troisième, à la hauteur de la vertu parfaite ; dans le quatrième, à la plénitude de sa piété surabondante ; dans le cinquième à la confiance qu’il a eue dans le temps de sa passion ; dans le sixième, la patience qu’il a manifestée au milieu des injures et des immenses outrages ; dans le septième, la constance qu’il conserva dans le crucifiement et les douleurs de la croix ; dans le huitième, la victoire qu’il a remportée dans le combat et la traversée de la mort ; dans le neuvième, la nouveauté de la résurrection ornée de dons admirables ; dans le dixième, la sublimité de l’Ascension, source de charismes spirituels : dans le onzième, l’équité du jugement final ; dans le douzième, l’éternité du Royaume divin. Ô Christ, nourris-nous de ces fruits, illumine nos pensées, conduis-nous sur des droits chemins, brise l’élan de l’ennemi.