Sur Job 18, 1-21
La rencontre avec Dieu

Sœur Jeanne d’Arc
Elie et nous, VS 87, p. 2920s

Il a suffi de la méchanceté d’une femme, Jézabel, pour faire échouer le redressement plein d’espoir. Elie doit s’enfuir dans l’intérêt même de la religion dont il est le dernier dépositaire. Il est seul.
L’immense solitude du désert qui l’entoure n’est qu’une image de son isolement dans sa foi. Tout son zèle a été impuissant. Il connaît là ce profond sentiment d’échec qui habite si souvent le cœur de l’homme. Et c’est l’aveu émouvant : Je ne vaux pas mieux que mes pères, auquel saint Jacques fait écho : Elie n’était qu’un homme soumis aux mêmes misères que nous. Le rude Tichbite, vêtu de poils, lui que nous avons tendance à dresser hiératique, lointain, sur les sommets où s’enfante l’éclair, est là pareil à nous, si proche de l’expérience de notre misère.
La sobriété du récit nous laisse pressentir que, dans le désert, Elie a connu la grande purification de la foi, qu’il a passé par la ténèbre mystique : C’en est assez maintenant, prends ma vie ! Il est épuisé, car le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes. Il s’endort accablé. Mais voici qu’un ange lui apparaît pour le réconforter ; il lui apporte la nourriture merveilleuse qui donne la force de franchir les plus dures étapes.
En quelques foulées, il va être au but… Non, pas encore, car l’épreuve doit durer quarante jours et quarante nuits. Le cœur de l’homme ne se décante que lentement ! Après le triomphe, après la détresse, après le réconfort, il lui faut rester longtemps dans ce désert. Rien ne peut remplacer l’épreuve du temps. Il faut que l’homme apprenne à durer devant son Dieu, à tenir dans la foi et la nuit. Le désert est aussi une terre sans chemin ! Loin des sentiers des hommes, hors de toute voie tracée, il faut apprendre à y être conduit par Dieu, par ses voies qui ne sont pas les nôtres, voies qui nous paraissent souvent beaucoup plus longues que les nôtres… Dieu seul sait de quels chemins de fourmis nous avons besoin pour arriver au but que lui seul connaît. Toutes les sévérités du désert ne sont que pour nous amener à ce silence qui est la condition même de toute vie spirituelle. C’est en cette profondeur de silence que l’on peut être attentif au souffle imperceptible. Le visage voilé, dans la nuit de la foi, décanté par le silence, on peut alors reconnaître, sans bruit de paroles, la présence secrète auprès de nous de Dieu.