Sur Matthieu 5, 1-12 ou 19, 27-29 ou Luc 22, 24-27
L’humilité
Saint Augustin
Sermons adressés aux Frères du Désert, OC XXIII, p. 290s

Mes frères bien-aimés, où sera l’orgueil, là aussi règneront les disputes et la discorde. Il ne convient donc pas que les serviteurs de Dieu, vivant dans le désert, soient orgueilleux, mais humbles, ni qu’ils soient fiers, mais doux, chastes bienveillants et ornés de toutes les vertus. Prenez garde, mes frères, et mettez une scrupuleuse attention afin de ne pas être enflés d’orgueil pour le bien que vous aurez fait. Sachez que c’est l’orgueil qui, des bons anges, a fait des démons ; l’humilité au contraire rend les hommes semblables aux anges. L’orgueil a précipité du haut du ciel la gloire des anges, l’humilité fit monter au ciel l’infirmité humaine. Ô mes frères, lorsque vous priez, que vous lisez, debout ou assis, comme en veillant, prenez garde de dire de cœur ou de bouche avec le pharisien : Je te rends grâce, Seigneur, de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes. Ceux qui mènent une vie solitaire se laissent souvent aller à ces pensées sous l’inspiration du démon ; souvent l’ennemi des serviteurs de Dieu les pousse à tenir ce langage. Aussitôt que vous serez tentés de vous appliquer ces paroles, ou d’avoir de vous-mêmes de telles pensées, criez aussitôt, poussez des gémissements et dites : Je suis un ver et non point homme, l’opprobre des hommes ; et de quelques vertus que vous soyez ornés, dites avec le publicain : Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis. Que votre charité fasse attention à ces paroles tombées des lèvres de la vérité même : Que celui qui est le plus grand parmi vous devienne comme le plus petit, et que celui qui gouverne soit comme celui qui sert. Ô moine, plus tu es grand, plus il faut t’humilier en tout, et tu obtiendras grâce devant Dieu et devant les hommes. Sainte et vénérable humilité, c’est toi qui, du sein du Père, fit descendre le Fils de Dieu dans le sein de l’auguste Vierge Marie, tu le fis s’envelopper de pauvres langes pour qu’il soit revêtu de l’ornement des vertus, tu voulus qu’il fût flagellé dans son corps pour qu’il nous délivrât des châtiments dus aux péchés, tu le couronnas d’épines pour qu’il daignât nous couronner de ses roses, Saint Humilité, combien tu diffères de l’orgueil : c’est toi qui poussa le Fils de Dieu à s’incarner, c’est toi qui introduisit le bon larron dans le séjour des bienheureux, c’est toi qui nous réunis pour produire les fleurs de toutes les vertus parfaites, c’est toi qui enflamme les chrétiens, c’est toi qui ôte aux entêtés leur obstination, c’est toi qui fait descendre les puissants de leur trône et exalte les humbles.