Sur Luc 12, 32-48
« Vous aussi, tenez-vous prêts »

Abba Philémon
Philocalie des Pères Neptiques, tome 7, p.68s

Un frère, du nom de Jean, vint trouver Abba Philémon, et lui tenant les pieds, il lui dit : « Père, que dois-je faire pour être guéri ? Car je vois mon intelligence tourner et errer çà et là, où il ne faut pas ». Il attendit un peu et répondit : « Cette maladie est celle des hommes du monde ; elle persiste parce que tu n’as pas encore un désir parfait de Dieu. La chaleur du désir et de la connaissance de Dieu n’est pas encore entrée en toi ». Le frère dit : « Père, que dois-je faire ? » Il répondit :
« Retire-toi, sois sobre et vigilant dans ton cœur, et, avec crainte et tremblement, dans cette sobre vigilance, dis en ton intelligence : Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi. Aie donc cela en ton cœur en tous moments. Que tu manges, que tu boives, que tu te trouves en compagnie, que tu sois hors de ta cellule, que tu sois en chemin, que cela ne te quitte pas. D’une pensée sobre et vigilante et d’une intelligence ferme et droite, prie cette prière, chante et médite les prières liturgiques et les psaumes. Et que, dans les nécessités mêmes du corps, ton intelligence ne cesse pas de méditer et de prier en secret. C’est ainsi que tu pourras comprendre les profondeurs de la Divine Ecriture et la puissance qui est cachée en elle, et donner à l’intelligence un travail continuel, afin d’accomplir la parole de l’Apôtre : Priez sans cesse.
Sois donc rigoureusement attentif et garde ton cœur, pour qu’il n’accueille pas de pensées mauvaises ou n’importe quelles pensées vaines et inutiles. Mais, à tout moment, que tu sois couché ou levé, quand tu manges et bois, quand tu rencontres quelqu’un, que secrètement ton cœur, en sa réflexion, tantôt médite les psaumes, tantôt dise la prière : Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi.
Si ta prière et ta méditation des Ecritures demeurent continuelles, les yeux de l’intelligence de ton âme s’ouvriront, celle-ci éprouvera une grande joie et un désir ineffable et violent ; même la chair sera embrasée par l’Esprit, au point que l’homme tout entier sera spirituel. Quand donc Dieu te jugera digne de prier jour et nuit d’une intelligence pure, hors de toute distraction, ne t’attache plus à ta propre règle. Mais autant que tu le peux, unis-toi toujours davantage à Dieu. C’est lui qui éclairera ton cœur sur l’œuvre spirituelle que tu dois accomplir ».
Après avoir, par ces paroles, bien armé le frère, et l’avoir confié au Seigneur et à l’Esprit de sa grâce, il le renvoya.