Sur Luc 9, 28-36
La Transfiguration du Seigneur
Saint Pierre le Vénérable
Homélie pour la Transfiguration du Seigneur, PL 207, 779-790

Aujourd’hui le jour resplendit plus clair que de coutume, car sur terre brille la lumière du ciel. La lumière véritable éclaire les ténèbres des mortels, et la splendeur de Dieu se montre visiblement, que dis-je, corporellement dans le monde des hommes. Aujourd’hui, le soleil éternel, dévoilant quelque peu la ténèbre de la faiblesse charnelle, resplendit de ses rayons dans son corps mortel, par un miracle nouveau et stupéfiant. Aujourd’hui, le Verbe fait chair montre, dans la clarté de son visage et de ses vêtements, la divinisation de la chair qu’il s’est unie. Aujourd’hui, nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père, comme Fils unique lorsque la voix de majesté transmet cette parole : Celui-ci est mon Fils bien aimé qui a toute ma faveur, écoutez-le. Cette gloire, Jean la vit, lorsqu’il connut Dieu de Dieu, et entendit le Père instruire les hommes sur son Fils. C’est pourquoi, il dit : Nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique. Il l’a vue, les autres l’ont vue aussi. Il a entendu et les autres aussi ont entendu. Pierre dit : Cette voix, nous l’avons entendu, elle venait du ciel quand nous étions sur la montagne sainte. Voyez la gloire de cette fête, voyez l’œuvre de la Trinité, voyez le mystère de la résurrection : le Père parle, le Fils rayonne de splendeur, l’Esprit couvre de la nuée lumineuse…
Pierre dit à Jésus : Seigneur, il nous est bon d’être ici, faisons-y trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie. Que dis-tu là Pierre ? Que cherches-tu à bâtir une demeure terrestre ? Pourquoi donc souhaiter que demeure là Celui qui est venu pour retourner au Père ? Que vas-tu proposer une maison de la terre à Celui qui habite dans les cieux ? Il n’est pas venu pour avoir une maison sur la terre Celui qui n’a pas voulu avoir de lieu où reposer sa tête. Il n’est pas venu pour habiter une maison que tu lui aurais bâti Celui qui, pour toi, en prépare une dans le ciel. Il n’est pas venu pour habiter une maison que tu lui construirais ici, mais pour t’élever après lui à celle qui est préparée en haut. Il te faut être là où il est, et non pas le laisser où tu voudrais qu’il soit. Il est bon d’être ici. Mais alors ? Et la mort, et la passion, et la rédemption du monde, et la résurrection, et l’ascension dans les cieux ? S’il restait avec toi comme tu le désires, il n’accomplirait pas ce pour quoi il est venu, ni ne retournerait là d’où il est venu. S’il est bon, Pierre, d’être ici, bien plus grande sera ta joie dans la patrie. Et si l’humanité du Christ, glorifiée pour un temps, te comble de joie, combien davantage te comblera la divinité que tu verras éternellement. Tu jouiras toi aussi, Pierre, de la vision de Dieu, mais comme le Christ a souffert pour toi, tu devras auparavant souffrir pour le Christ, partager sa Passion pour avoir part ensuite à sa consolation.