Sur 2 Pierre 2, 9-22
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Saint Augustin
Discours sur les psaumes, Psaume 83, OC 13, p. 519s

Le Seigneur est le refuge du pauvre. Que signifie du pauvre ? Celui qui est comme destitué de tout bien, de tout secours, de toute ressource, et qui n’a rien dans le monde sur quoi il puisse s’appuyer. Tels sont les pauvres que Dieu secourt. Car Dieu ne regarde pas la fortune, mais la volonté. Que les pauvres, privés de toutes les ressources mondaines, en comprennent l’incertitude ; leurs gémissements vers Dieu coulent comme du vin sous le pressoir, ou coulent comme de l’huile. Car que sont cette huile et ce vin sinon les bons désirs ? Leur désir, c’est Dieu ; ils n’aiment pas la terre, ils aiment celui qui a fait le ciel et la terre ; ils l’aiment, mais ne sont pas encore avec lui. Or Dieu ne doit pas leur donner quelque chose qu’il ait créé, il doit se donner lui-même, lui qui a tout créé. Exercez-vous à recevoir un jour votre Dieu, et ce bien que vous possèderez toujours, désirez-le d’abord longtemps.
Ceux qui, après s’être convertis à Dieu, ne trouvent pas ici-bas le repos qu’ils cherchaient et les joies qui leur étaient promises, perdent courage en chemin. Ils ne trouvent ici-bas que quelque repos trompeur, ou ils regardent en arrière. Ils ne se rappellent pas la terrible menace de Jésus : Souvenez-vous de la femme de Lot. Pourquoi a-t-elle été changée en statue de sel si ce n’est pour servir de condiment aux hommes en leur donnant le goût de la sagesse ? Elle a regardé derrière elle, vers Sodome d’où elle était délivrée ! Elle est restée à l’endroit même d’où elle a regardé en arrière, destinée à rester ainsi à la même place et à servir de condiment aux autres.
Etant délivrés de la Sodome de notre vie passée, ne regardons pas en arrière. Car c’est là s’empresser d’une manière coupable que de ne pas regarder ce que Dieu a promis, parce qu’il y a loin encore pour y parvenir, et de se retourner vers ce qui est proche d’où l’on vient d’être délivré. Que dit de ces hommes l’apôtre Pierre ? Il leur est arrivé ce que dit un proverbe vrai : le chien est retourné à son vomissement. En effet, la conscience de vos péchés pesait sur votre cœur ; vous avez comme vomi ces péchés au moment où ils vous ont été pardonnés, et votre cœur a été soulagé ; votre conscience, de mauvaise qu’elle était, est devenue bonne : pourquoi retournez-vous à votre vomissement ? Si le chien, lorsqu’il le fait, vous cause de l’horreur, qu’êtes-vous aux yeux de Dieu ?