Sur Esther 1, 1-12
Le livre d’Esther
TOB
Introduction au livre d’Esther, p. 1896s

L’enracinement biblique du livre d’Esther est profond. On retrouve les leçons du Siracide, le thème du retour de fortune, souvent présent dans les livres de la Sagesse. Cette histoire ne manque pas non plus de rapprochements avec la situation de Joseph en Egypte et avec les aventures merveilleuses de Daniel. Bien des faits rapportés trouvent encore un point de comparaison dans les livres d’Esdras et de Néhémie, ou dans ceux des Maccabées. Ainsi les parallèles avec les plus récents livres de la Bible fournissent-ils non seulement des références au texte lui-même, mais aussi un témoignage sur la réalité des faits qu’il sous-entend et que d’autres textes éclairent, à savoir les conflits parfois violents qui éclatèrent entre les communautés juives et le monde au sein duquel elles vivaient. A travers un décor anachronique et une fiction enjolivée, transparaît l’authenticité de l’histoire réelle. Le présent est transposé dans le passé : en le commémorant, il le fait revivre sans rien perdre de sa propre acuité. En effet, dans des formes merveilleuses ou tragiques s’exprime l’actualité d’un peuple opprimé qui n’ignore pas son passé déjà marqué par le salut de Dieu. De plus, les détails donnés ici ou là ne sont pas en contradiction avec ce que nous savons de l’Antiquité : dans la littérature grecque, Hérodote, historien du Vème siècle, les atteste aussi. Le livre d’Esther ne s’oppose pas à l’histoire, mais il mêle celle-ci à un roman édifiant qui indique la récurrence d’un drame religieux et la fidélité d’un Dieu sauveur.
Les Juifs sont en butte à un pouvoir totalitaire, leurs particularismes les exposant à la persécution. Cette situation a plus d’une fois redonné une actualité aiguë au livre d’Esther. L’insoumission religieuse du juif Mardochée en face de Haman prend un tour politique. La foi conduit ainsi le croyant à des attitudes pratiques même à l’encontre des puissants de ce monde, car il n’est pas de souverain plus grand et plus vénérable que Dieu lui-même. Mais ce Dieu n’est pas une autorité lointaine : il intervient dans le cours de l’histoire qui n’est pas vouée aux caprices du sort. Le livre d’Esther nous éloigne du fatalisme. Ce sont plutôt les prières humbles et les actions courageuses d’Esther et de Mardochée qui sont exemplaires. Car le salut de Dieu ne saurait se réaliser sans le concours des hommes à qui il s’adresse.
Cette histoire du peuple juif, libéré de la calomnie et de la mort, déchaînait chez ses auditeurs banquets et cris de joie. Elle peut aussi évoquer le « banquet » chrétien, où sont célébrées la libération et la réconciliation offertes à tous les hommes par Dieu en Jésus-Christ. « Il n’y a plus ni Juif, ni Grec… »