Sur Tobie 1, 1-22
La « sagesse » de Tobie
Saint Augustin
Questions 119 sur l’Ancien et le Nouveau Testament, OC 11, p. 423

Le fidèle serviteur de Dieu, Tobie, nous a été donné après la Loi comme un commentaire vivant de la Loi pour nous apprendre la manière dont nous devons la mettre en pratique, et, si les tentations surviennent, à ne point laisser affaiblir en nous la crainte de Dieu, à ne point attendre de secours d’un autre que lui, en nous rappelant ce qui est écrit : J’ai été jeune, et puis j’ai vieilli ; or, jamais je n’ai vu le juste abandonné, ni sa postérité manquant de pain. Celui qui met toute son espérance en Dieu ne peut être trompé. Les exemples des saints nous enseignent que Dieu ne les permet que pour augmenter nos mérites ; car, si nous les supportons patiemment, Dieu nous donnera ici-bas des consolations effectives, et dans l’autre monde, une vie éternelle et glorieuse. Comme Dieu est juste, et ne fait point acception de personne, il permet que nous soyons tentés, parce qu’il nous aime et qu’il veut après le combat nous donner les plus magnifiques récompenses.
Combien donc le saint homme Tobie est digne d’éloges au témoignage de l’Ecriture. Il est emmené en captivité, sa religion n’est pas affaiblie ; il perd la vue, il ne laisse pas de bénir Dieu ; il se voit dans un état voisin de la pauvreté, il ne s’écarte point des sentiers de la justice et de la vérité. La vertu de Tobie s’accroit sous l’influence des mêmes causes qui affaiblissent la foi et la vertu des autres. L’indigence, est-il écrit, humilie l’homme, et celui qui est humilié ne peut observer la justice. Le saint homme Tobie, au contraire, l’esprit toujours élevé vers Dieu, ne fut jamais ni abattu par la captivité, ni humilié par l’indigence. Malgré la défense du roi, il ensevelissait les corps de ceux qui avaient été tués, et, comptant sur la libéralité de Dieu, il était miséricordieux du peu qu’il possédait. Il savait que la charité la plus agréable à Dieu est celle qu’on exerce avec le peu que l’on possède. Etre vraiment fidèle, c’est ne point douter des promesses de Dieu que de donner généreusement le peu qu’on possède. C’est donc en consolant son âme par l’espérance des biens futurs que Tobie, fidèle à son Dieu, déploya avec courage cette force dans la tentation, et montra que c’est surtout au milieu de la tribulation qu’il faut persévérer dans la crainte de Dieu. Aussi le juste Tobie fut si agréable à Dieu qu’il reçut de lui la double récompense de ses vertus : il recouvra par le ministère d’un ange la lumière qu’il avait perdue, et Dieu le combla des biens et des richesses de la vie présente, puis dans l’autre vie il devint héritier du Royaume des Cieux. Nous pouvons nous-mêmes avoir part à ce bonheur si nous cherchons à imiter Tobie.