Sur Esther 5,1-14 . 7,1-10
Marie à la croix
Saint Romanos le Mélode, Hymnes
Hymne XXXV, SC 128, p. 161s

Venez tous, chantons celui qui fut crucifié pour nous, car Marie le vit sur le bois et disait : Même quand tu demeures sur la croix, tu es mon Fils et mon Dieu ! »
Brebis contemplant son propre agneau qu’on traînait à la boucherie, Marie suivait, consumée de douleur, avec les autres femmes, en criant ainsi : Où vas-tu, mon enfant ? Pour quelle raison achèves-tu cette course rapide ? Y a-t-il encore d’autres noces à Cana ? Est-ce là maintenant que tu vas si vite pour leur faire du vin avec de l’eau ? Puis-je t’accompagner, mon enfant, ou vaut-il mieux t’attendre ? Dis-moi une parole, toi le Verbe, ne passe pas devant moi en silence, toi qui m’as gardée pure, toi qui es mon Fils et mon Dieu !
Je ne m’attendais pas, mon enfant, à te voir en cet état, et jamais je n’aurais cru que les impies en viendraient à pareille fureur, qu’ils porteraient les mains sur toi injustement. Car leurs petits te crient encore : Tu es béni ; et le chemin, toujours encombré de palmes, atteste devant tous les acclamations de ces criminels en ton honneur. Et aujourd’hui, pour quelle raison le pire s’est-il accompli ? Je veux savoir pourquoi ma lumière s’éteint, pourquoi l’on attache à la croix mon Fils et mon Dieu.
Tu marches, mon enfant, vers un injuste meurtre, et personne ne partage ta souffrance. Pierre ne t’accompagne pas, lui qui te disait : Jamais je ne te renierai, même si je devais mourir ! Il l’a quitté ce Thomas qui clamait : Mourons tous avec lui ! Et les autres, les intimes, les fils qui doivent juger les douze tribus, où sont-ils à présent ? D’eux tous, plus un seul, tu meurs pour tous, mon enfant, tu meurs tout seul. C’est ton salaire pour avoir sauvé tous les hommes, pour avoir servi tous les hommes, mon Fils et mon Dieu.
Voilà les cris, voilà les pleurs qu’arrachaient à Marie sa profonde douleur, sa grande angoisse. Se retournant vers elle, celui qui sortit d’elle s’écria : Pourquoi pleures-tu, Mère ? Pourquoi te laisses-tu emporter hors de toi-même avec les autres femmes ? Moi, ne pas souffrir ? Ne pas mourir ? Et comment alors sauverai-je Adam ? Ne pas habiter dans le tombeau ? Comment tirerai-je à la vie ceux qui sont aux enfers ? Certes, tu le sais bien, on me crucifie injustement : pourquoi pleures-tu, Mère ? Crie plutôt : C’est volontairement qu’il a souffert, mon Fils et mon Dieu.