Sur Siracide 2, 1-18
« Vous qui craignez le Seigneur, espérez ses bienfaits »

Saint Augustin
Traités sur l’épitre de saint Jean, OC 10, p. 552s

Commençons, frères, par la crainte, parce que la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. La crainte prépare pour ainsi dire la place à la charité. Mais lorsque la charité a pris possession du cœur, elle chasse la crainte qui lui en a ouvert l’entrée. La crainte décroit à mesure que la charité augmente ; plus la charité s’enracine dans l’intérieur de l’âme, plus la crainte s’en éloigne. Avez-vous une grande charité, votre crainte sera faible ; au contraire, n’avez-vous qu’une charité médiocre, c’est la crainte qui domine dans votre cœur. Mais si la crainte n’existe à aucun degré dans l’âme, la charité ne peut y trouver d’accès. Lorsque l’aiguille introduit le fil dans une étoffe que l’on coud, l’aiguille commence par entrer, mais il faut nécessairement qu’elle sorte pour laisser la place au fil. Ainsi la crainte s’empare d’abord de l’âme, mais elle n’y reste pas, parce qu’elle n’est entrée que pour faire place à la charité. Notre cœur jouit ainsi d’une sécurité parfaite, et alors quelle doit être notre joie dans ce siècle ou dans l’autre ? Et dans cette vie, qui pourra nuire à des âmes pleines de charité ? Voyez comme l’Apôtre se livre aux transports que lui inspire la charité : Qui nous séparera de la charité de Jésus Christ ? L’affliction, les angoisses, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive ? Saint Pierre dit de son côté : Et qui sera capable de vous nuire, si vous ne songez qu’à faire du bien ? La crainte n’est pas avec l’amour ; mais l’amour parfait chasse la crainte, car la crainte est accompagnée de peine. Le cœur est torturé par la conscience de ses péchés, il n’est pas encore justifié, il ressent encore l’aiguillon, les déchirements du remords. Voilà pourquoi le psalmiste, parlant à Dieu de la justice parfaite, dit à Dieu : Vous avez changé mes gémissements en joie, vous avez déchiré le cilice dont je m’étais enveloppé, et vous m’avez revêtu d’allégresse afin que ma gloire vous chante et que je ne reste pas en butte aux atteintes pénétrantes de la douleur. Quelles sont ces atteintes auxquelles il ne peut échapper ? L’aiguillon du remords qui se fait sentir à la conscience. La crainte est aussi un aiguillon, mais soyez sans inquiétude, la charité entre pour guérir les blessures qu’a faites la crainte. La crainte de Dieu blesse comme le fer du médecin. Ouvrez donc votre cœur à la crainte, afin qu’il y fasse entrer la charité, que le fer du médecin cicatrise la plaie. Il faut donc ouvrir votre cœur à la crainte afin que s’y introduise la charité. Or, celui qui craint n’est point parfait dans la charité. Pourquoi ? Parce que la crainte est accompagnée de peine, de même que l’application du fer par le médecin produit une vive douleur.