sur Siracide 24,1-22
L’amour de Dieu, l’amour pour Dieu
Sainte Thérèse d’Avila
Livre des Fondations, Chap 5, 2-8, OC tome 1, p. 462s

L’avancement de l’âme ne consiste pas à penser beaucoup, mais à aimer beaucoup. Et comment acquérir cet amour ? En se déterminant à agir et à souffrir, et en le faisant lorsque l’occasion s’en présente. C’est en réfléchissant aux bienfaits de Dieu, à ce qu’il est et à ce que nous sommes, qu’une âme acquiert de la détermination. C’est là un exercice très méritoire et très convenable pour ceux qui commencent ; mais, bien évidemment, il doit céder le pas aux devoirs de l’obéissance ou à l’intérêt spirituel du prochain. L’un de ces deux devoirs ne vient-il pas réclamer notre temps au préjudice de celui que nous désirons si ardemment donner à Dieu pour le régaler, lui, et nous, agir, comme il le dit : Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Et pour ce qui est de l’obéissance, Dieu ne voudra pas qu’une âme qui l’aime suive une autre voie que celle où a marché Celui qui s’est montré obéissant jusqu’à la mort.
S’il en est ainsi, d’où vient donc le chagrin qu’on éprouve d’ordinaire lorsque l’un ou l’autre de ces devoirs nous empêche de passer une grande partie de la journée isolés, tout abîmés en Dieu ? Cela provient de plusieurs causes ; la principale, à mon avis, est un amour propre très subtil qui s’insinue en nous sans que nous nous en apercevions de sorte que nous recherchons notre satisfaction plutôt que celle de Dieu. En effet, il est évident que l’âme, qui a commencé à goûter la douceur du Seigneur, a plus de joie à se tenir en repos, l’âme pleine de joie spirituelle, qu’à se livrer à l’action.
Ô charité de ceux qui aiment vraiment le Seigneur : ils ne peuvent se reposer s’ils croient pouvoir contribuer au bien d’une âme, à son progrès dans l’amour de Dieu, à la consoler dans ses peines, à la délivrer d’un péril. De telles actions leur sont douces : ils oublient alors leur propre satisfaction pour ne songer qu’à faire plus parfaitement la volonté de Dieu. On peut en dire autant de l’obéissance : il ferait beau voir que Dieu nous commandât clairement d’agir pour son service et que nous nous y refusions sous prétexte que nous préférons passer notre temps à le contempler ! Oui, courage : quand l’obéissance vous occupera aux choses extérieures, ne vous affligez pas ; et si c’est à la cuisine qu’elle vous emploie, comprenez bien que Notre Seigneur se trouve aussi au milieu des marmites, et qu’alors il vous aide intérieurement et extérieurement.