Sur Sagesse 13,1-10 . 14,15-26 . 15,1-6
La connaissance de Dieu

Saint Augustin
Les deux livres des Soliloques, livre I, chapitre 3, OC 2, p. 571s

Peut-on connaître Dieu comme l’on peut connaître un ami ? On ne peut connaître Dieu comme l’on connaît un ami, même si l’on ne connaît pas totalement, en profondeur, un ami. Ne soyons pas imprudent en voulant connaître Dieu d’une manière suffisante ! Comparons-le aux astres : je puis me vanter sans présomption de savoir dans quel signe doit se trouver la lune demain. Suffit-il de connaître Dieu comme on connaît le signe dans lequel sera la lune demain ? Non, cela est loin d’être suffisant, car ce sont mes sens qui perçoivent ce phénomène. Mais j’ignore si Dieu ou quelque cause cachée de la nature ne changera pas tout à coup le cours ordinaire de la lune ; dans ce sens, toutes mes prévisions seraient fausses. Cela peut-il arriver avec Dieu ? Je ne le crois pas ; mais je cherche ce que je sais plutôt que ce que je crois. Car on peut dire certainement que nous croyons tout ce que nous savons, mais non pas que nous savons tout ce que nous croyons. Mais cet ami que l’on dit ne pas connaître encore totalement, est-ce par les sens ou par l’esprit que l’on peut le connaître ? Tout ce que les sens nous apprennent de lui, si toutefois l’on peut dire que les sens nous apprennent quelque chose, c’est ce qu’il y a de moins relevé ; mais ce par quoi il est mon ami, je veux le connaître par l’intelligence, et l’on ne peut le connaître d’une autre manière. Oui, on peut dire qu’un ami très intime ne nous est pas totalement connu. Il n’est pas de loi plus juste que celle de l’amitié qui prescrit à des amis de ne pas s’aimer moins, mais aussi de ne pas s’aimer plus que soi-même. Ne me connaissant pas totalement moi-même, quelle injure puis-je faire à celui que je déclare m’être inconnu, alors surtout, comme je le présume, qu’il ne se connaît pas lui-même ? L’intelligence seule peut percevoir ce que nous cherchons à savoir ; il y aurait témérité à vouloir connaître Dieu parfaitement, totalement, puisque l’on ne peut connaître vraiment son ami proche.