Sur Luc 20, 27-38
La femme aux sept maris
Saint Ambroise de Milan
Traité sur l’Evangile de saint Luc, SC 53, p. 154s

Si le frère de quelqu’un vient à mourir…
Les sadducéens, c’est-à-dire la fraction la plus détestable des Juifs, tentent le Seigneur à cet endroit. Au sens obvie, leur sottise est reprise ; au sens mystique, leur opinion est réfutée, et le cas de chasteté qu’ils ont tiré de leur propre fond, puisque selon la lettre une femme doit se marier même contre son gré pour que le frère du défunt lui donne une postérité. Donc la lettre tue (2 Corinthiens 3,6), telle une entremetteuse des vices, tandis que l’esprit est maître de chasteté.
Voyons donc si cette femme ne serait pas la Synagogue. Elle a eu sept maris, tout comme il est dit à la Samaritaine : Tu as eu cinq maris (Jean 4,18), car la Samaritaine ne suit que cinq livres de Moïse ; en effet, les Samaritains ne reconnaissent que le Pentateuque, à l’exclusion des livres de Josué et des Juges. La synagogue, elle, en suit, princièrement, sept, et, par sa mauvaise foi, n’a eu d’aucun une descendance, une postérité, des héritiers. Aussi n’aura-t-elle point part avec ses époux à la résurrection, parce qu’elle a détourné un précepte spirituel dans un sens charnel. Il n’était pas question du frère de quelqu’un selon la chair pour donner une postérité au frère défunt, mais de ce Frère qui devait recueillir du peuple mort des Juifs la connaissance du culte divin comme une épouse, et en avoir une descendance en la personne des Apôtres : demeurés au sein de la Synagogue comme restes informes des Juifs défunts, ils ont obtenu d’être conservés, grâce à l’élection de la grâce, par l’alliage d’une nouvelle semence.
Quant à la Synagogue, elle reçoit souvent l’étole, marque du mariage, parce qu’elle est la mère des croyants ; souvent aussi on la montre répudiée parce qu’elle est la mère d’incroyants. Pour elle, la Loi corporelle est morte, pour ressusciter spirituelle. Donc le peuple saint de Dieu, s’il aime les sept livres de la Loi comme d’un amour conjugal, et obéit à ses ordres comme à ceux d’un mari, aura dans la résurrection cette union céleste, où nulle souillure du corps ne fera rougir sa pudeur, mais où les dons de la grâce divine l’enrichiront.